lundi 26 novembre 2007

LA SIXIEME REPUBLIQUE: UNE PHOTOCOPIE DE LA QUATRIEME REPUBLIQUE?

Parmi les arguments des adversaires de la Sixième République, il en est un qui est revient souvent : le système de la Sixième République ne serait qu’une pâle copie du système de la Quatrième République qui a brillé par sa brièveté (douze ans de durée de vie), son instabilité politique et ses atermoiements en matière de politique internationale.

Face à ces contre-vérités diffusées par des personnes qui ne connaissent ni le système de la Quatrième République ni celui de la Sixième République et qui s’érigent pourtant en brillants juristes, il convient d’opposer la réalité des faits et la réalité des textes.

Tout d’abord le contexte est totalement différent car la France vivait alors une période très troublée : ainsi en matière internationale la France sortait à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale, connaissait des troubles dans ses colonies (évènements à Madagascar et en Algérie, guerre en Indochine), a été humiliée par l’affaire du canal de Suez, alors que la décolonisation et la Guerre Froide s’engageaient; en matière politique le parti communiste était à 30 %, nombreux s’unissaient contre de Gaulle, et le pouvoir se partageait entre communistes, SFIO et Républicains populaires qui monopolisaient le pouvoir par l‘union sacrée. Un contexte que la France actuelle ne connaît heureusement pas.

Concernant le régime politique les deux systèmes s’opposent : alors que la Quatrième République proposait un régime parlementaire où l’Assemblée Nationale dominait largement toutes les autres institutions, la Sixième République propose un régime primo ministériel où, à l’exemple des autres démocraties européennes, le Premier Ministre est le personnage majeur de la vie politique.

Pour ce qui est du Parlement, celui-ci possède nettement moins de pouvoirs que celui de la Quatrième République. Ainsi la Sixième République confirme une pratique de la Cinquième République que l’on appelle le parlementarisme rationalisé, qui consiste à encadrer le travail législatif: alors que la Quatrième République donnait au Parlement une totale liberté législative en matière financière (article 17), la Sixième exige que toute dépense soit compensée (art 54); alors que l’ordre du jour était partagé avec le Président du Conseil à son profit, la Sixième ne lui accorde que 25 % des séances consacrées à l’ordre du jour fixé par les parlementaires (art 64); si la Quatrième République donnait au Parlement le monopole en matière de lois, sans accorder de limites quant à ses matières, conformément à la Cinquième République la Sixième limite le domaine des lois à un nombre déterminé de matières (art 45), le reste relevant du pouvoir règlementaire qui appartient au Gouvernement (art 50), le non-respect de ce principe frappant d’irrecevabilité le texte en cause (art 55).

Le Parlement voit par ailleurs ses prérogatives diminuer : il ne possède plus le monopole législatif puisque les ordonnances gouvernementales sont autorisées (article 52), le nombre de Commissions parlementaires passe de 19 à 10, le Président de la République possède le droit de dissolution (art 13), ce qui n’était pas le cas sous la Quatrième, le cumul des mandats est prohibé (art 59) et les pouvoirs du Sénat sont renforcés car sous la Quatrième le Conseil de la République, son ancêtre, n’avait qu’un pouvoir purement consultatif.

Enfin la stabilité du régime est accru : alors que les élections se faisaient à la proportionnelle sous la Quatrième, facteur d’instabilité et de morcellement des forces politiques, celles de la Sixième se font au scrutin majoritaire à deux tours qui engendrent plus de stabilité, des majorités claires et une bipolarisation de la vie politique. Par ailleurs il confirmera le fait majoritaire en place en France depuis 1962 et qui fait que le groupe politique dominant au Parlement est de même couleur politique que le Premier Ministre, ce qui engendre une complicité dans leur travail et préserve des conflits entre eux. Enfin le concept de motion de censure constructive (art 67) oblige l’opposition à s’organiser, à être crédible et rassembleuse.

Au sujet de l’Exécutif, conformément à la tradition de la Cinquième ses pouvoirs sont renforcés.

Ainsi le Président qui ne possédait qu’un pouvoir de nomination et possédait peu de pouvoirs propres, puisque tous ses actes devaient être contresignés par le Président du Conseil ou un ministre (article 38), voit ses pouvoirs considérablement augmenter: il se voit ainsi attribuer un rôle d’arbitre (art 6), possède des pouvoirs propres, et de nombreux pouvoirs majeurs partagés (dissolution, initiative référendaire, politique internationale…); son prestige et sa légitimité sont augmentés par l’élection au suffrage universel, alors que celle-ci se faisait au suffrage universel indirect par un vote de l’Assemblée Nationale, par l’obligation de prêter serment à sa nomination (art 6), par son interdiction de se représenter qui évite les mandats de gestion en vue d‘une réélection, et par l’élection à deux tours qui lui confère son caractère de Président de tous les Français et pas seulement de chef du parti ayant gagné les élections.

Le Premier Ministre voit aussi ses attributions accroître: pouvoir de dissolution, initiative référendaire, droit de grâce, pouvoirs de nomination, prérogatives internationales…

Concernant les contre-pouvoirs, essence de la démocratie selon Alain, ceux-ci voit leurs facultés de contrôles devenir effectives.

Sous la Quatrième, l’indépendance de la Justice n’était pas réelle:le Président de la République dirigeait le Conseil Supérieur de la Magistrature, nommait les magistrats, et contrôlait même la constitutionnalité des lois. Dans la Sixième République, le contrôle de la constitutionnalité des lois se fait par la Cour Constitutionnelle et les juges, les procureurs sont élus par les citoyens, la nomination des magistrats est contrôlée, le droit de grâce est partagé, l’échevinage qui permet à des citoyens d’assister des juges au jugement permet un contrôle de la Justice, et l’importance de deux institutions (Cour Constitutionnelle et Conseil Supérieur de la Justice) permettent d’assurer une autonomie au pouvoir judiciaire. Enfin les critères du « bons procès », posés par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et du Citoyen, sont constitutionnalisés (art 85).

Les autres contre-pouvoirs possèdent eux aussi un pouvoir de contrôle réel: le Sénat possède beaucoup plus de pouvoirs que le Conseil de la République, le Conseil économique et social, dont le pouvoir de contrôle était facultatif sous la Quatrième, voit ses prérogatives accrues. La Cour des Comptes doit être consultée impérativement pour le budget (art 62), le financement de la Sécurité Sociale (art 63) et évalue les politiques publiques (art 97). L’Union européenne voit ses textes de loi reconnus (art 2) et avoir force de loi. Le Peuple possède aussi plus de pouvoirs: initiative référendaire (art 12) ou législative (art 53), droit de pétition locale (art 11).

Plus généralement la Sixième République poursuit deux buts: la moralisation et la transparence.

Pour ce qui est de la moralisation elle se distingue par un accroissement de la responsabilité pénale des élus.

Concernant la transparence elle se caractérise par la possibilité pour le Parlement d’auditionner des ministres (art 69 qui reprend le concept anglais d’«accountability »), la reconnaissance d’une Commission de contrôle et d’enquête, une autre contrôlant la politique européenne, et la création d’une Commission des finances dirigée, comme en Grande Bretagne, par un membre de l’opposition (art 32).

Aucun commentaire: