lundi 26 novembre 2007

LA SIXIEME REPUBLIQUE: UNE PHOTOCOPIE DE LA QUATRIEME REPUBLIQUE?

Parmi les arguments des adversaires de la Sixième République, il en est un qui est revient souvent : le système de la Sixième République ne serait qu’une pâle copie du système de la Quatrième République qui a brillé par sa brièveté (douze ans de durée de vie), son instabilité politique et ses atermoiements en matière de politique internationale.

Face à ces contre-vérités diffusées par des personnes qui ne connaissent ni le système de la Quatrième République ni celui de la Sixième République et qui s’érigent pourtant en brillants juristes, il convient d’opposer la réalité des faits et la réalité des textes.

Tout d’abord le contexte est totalement différent car la France vivait alors une période très troublée : ainsi en matière internationale la France sortait à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale, connaissait des troubles dans ses colonies (évènements à Madagascar et en Algérie, guerre en Indochine), a été humiliée par l’affaire du canal de Suez, alors que la décolonisation et la Guerre Froide s’engageaient; en matière politique le parti communiste était à 30 %, nombreux s’unissaient contre de Gaulle, et le pouvoir se partageait entre communistes, SFIO et Républicains populaires qui monopolisaient le pouvoir par l‘union sacrée. Un contexte que la France actuelle ne connaît heureusement pas.

Concernant le régime politique les deux systèmes s’opposent : alors que la Quatrième République proposait un régime parlementaire où l’Assemblée Nationale dominait largement toutes les autres institutions, la Sixième République propose un régime primo ministériel où, à l’exemple des autres démocraties européennes, le Premier Ministre est le personnage majeur de la vie politique.

Pour ce qui est du Parlement, celui-ci possède nettement moins de pouvoirs que celui de la Quatrième République. Ainsi la Sixième République confirme une pratique de la Cinquième République que l’on appelle le parlementarisme rationalisé, qui consiste à encadrer le travail législatif: alors que la Quatrième République donnait au Parlement une totale liberté législative en matière financière (article 17), la Sixième exige que toute dépense soit compensée (art 54); alors que l’ordre du jour était partagé avec le Président du Conseil à son profit, la Sixième ne lui accorde que 25 % des séances consacrées à l’ordre du jour fixé par les parlementaires (art 64); si la Quatrième République donnait au Parlement le monopole en matière de lois, sans accorder de limites quant à ses matières, conformément à la Cinquième République la Sixième limite le domaine des lois à un nombre déterminé de matières (art 45), le reste relevant du pouvoir règlementaire qui appartient au Gouvernement (art 50), le non-respect de ce principe frappant d’irrecevabilité le texte en cause (art 55).

Le Parlement voit par ailleurs ses prérogatives diminuer : il ne possède plus le monopole législatif puisque les ordonnances gouvernementales sont autorisées (article 52), le nombre de Commissions parlementaires passe de 19 à 10, le Président de la République possède le droit de dissolution (art 13), ce qui n’était pas le cas sous la Quatrième, le cumul des mandats est prohibé (art 59) et les pouvoirs du Sénat sont renforcés car sous la Quatrième le Conseil de la République, son ancêtre, n’avait qu’un pouvoir purement consultatif.

Enfin la stabilité du régime est accru : alors que les élections se faisaient à la proportionnelle sous la Quatrième, facteur d’instabilité et de morcellement des forces politiques, celles de la Sixième se font au scrutin majoritaire à deux tours qui engendrent plus de stabilité, des majorités claires et une bipolarisation de la vie politique. Par ailleurs il confirmera le fait majoritaire en place en France depuis 1962 et qui fait que le groupe politique dominant au Parlement est de même couleur politique que le Premier Ministre, ce qui engendre une complicité dans leur travail et préserve des conflits entre eux. Enfin le concept de motion de censure constructive (art 67) oblige l’opposition à s’organiser, à être crédible et rassembleuse.

Au sujet de l’Exécutif, conformément à la tradition de la Cinquième ses pouvoirs sont renforcés.

Ainsi le Président qui ne possédait qu’un pouvoir de nomination et possédait peu de pouvoirs propres, puisque tous ses actes devaient être contresignés par le Président du Conseil ou un ministre (article 38), voit ses pouvoirs considérablement augmenter: il se voit ainsi attribuer un rôle d’arbitre (art 6), possède des pouvoirs propres, et de nombreux pouvoirs majeurs partagés (dissolution, initiative référendaire, politique internationale…); son prestige et sa légitimité sont augmentés par l’élection au suffrage universel, alors que celle-ci se faisait au suffrage universel indirect par un vote de l’Assemblée Nationale, par l’obligation de prêter serment à sa nomination (art 6), par son interdiction de se représenter qui évite les mandats de gestion en vue d‘une réélection, et par l’élection à deux tours qui lui confère son caractère de Président de tous les Français et pas seulement de chef du parti ayant gagné les élections.

Le Premier Ministre voit aussi ses attributions accroître: pouvoir de dissolution, initiative référendaire, droit de grâce, pouvoirs de nomination, prérogatives internationales…

Concernant les contre-pouvoirs, essence de la démocratie selon Alain, ceux-ci voit leurs facultés de contrôles devenir effectives.

Sous la Quatrième, l’indépendance de la Justice n’était pas réelle:le Président de la République dirigeait le Conseil Supérieur de la Magistrature, nommait les magistrats, et contrôlait même la constitutionnalité des lois. Dans la Sixième République, le contrôle de la constitutionnalité des lois se fait par la Cour Constitutionnelle et les juges, les procureurs sont élus par les citoyens, la nomination des magistrats est contrôlée, le droit de grâce est partagé, l’échevinage qui permet à des citoyens d’assister des juges au jugement permet un contrôle de la Justice, et l’importance de deux institutions (Cour Constitutionnelle et Conseil Supérieur de la Justice) permettent d’assurer une autonomie au pouvoir judiciaire. Enfin les critères du « bons procès », posés par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et du Citoyen, sont constitutionnalisés (art 85).

Les autres contre-pouvoirs possèdent eux aussi un pouvoir de contrôle réel: le Sénat possède beaucoup plus de pouvoirs que le Conseil de la République, le Conseil économique et social, dont le pouvoir de contrôle était facultatif sous la Quatrième, voit ses prérogatives accrues. La Cour des Comptes doit être consultée impérativement pour le budget (art 62), le financement de la Sécurité Sociale (art 63) et évalue les politiques publiques (art 97). L’Union européenne voit ses textes de loi reconnus (art 2) et avoir force de loi. Le Peuple possède aussi plus de pouvoirs: initiative référendaire (art 12) ou législative (art 53), droit de pétition locale (art 11).

Plus généralement la Sixième République poursuit deux buts: la moralisation et la transparence.

Pour ce qui est de la moralisation elle se distingue par un accroissement de la responsabilité pénale des élus.

Concernant la transparence elle se caractérise par la possibilité pour le Parlement d’auditionner des ministres (art 69 qui reprend le concept anglais d’«accountability »), la reconnaissance d’une Commission de contrôle et d’enquête, une autre contrôlant la politique européenne, et la création d’une Commission des finances dirigée, comme en Grande Bretagne, par un membre de l’opposition (art 32).

samedi 17 novembre 2007

JUSTICE FRANCAISE : L'INSECURITE EST AILLEURS

Outreau. Si l'émotion dégagée par ce procès a été unanime en France, le diagnostic réalisé par l'opinion publique est un peu plus contestable. Selon celle-ci ce fiasco serait le fait des défaillances individuelles d'un seul homme, le Juge Burgaud. Cependant une étude plus poussée de la situation de la Justice en France démontre que cette sombre affaire n'est que la partie immergée d'un iceberg: un rapport de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice - la CEPEJ - classait la France 23ème état européen sur 25 sur divers critères (budget, personnel,accès à la justice de ses citoyens, moyens matériels...).
Au vu de cette situation, les gesticulations d'un certain ex-Ministre de l'Intérieur pour poursuivre les racailles de banlieue et les juges défaillants peuvent paraître illusoires voire ridicules car ces comportements sont les conséquences logiques d'un état de délabrement de l'institution judiciaire. Ces gesticulations sont aussi inquiétantes dans la mesure où la Justice est un des dernier contre-pouvoir de nos institutions, un des dernier rempart contre l'arbitraire étatique et l'injustice dans un système juridique rousseauiste où on sacralise la Loi.
Beaucoup plus que des paroles les chiffres concernant la justice française démontrent son caractère catastrophique (§1). D'autres indicateurs attestent de sa médiocrité: l'insécurité qu'elle engendre (§2), la difficulté notamment financière à y accéder (§3), sa dépendance vis-à-vis de certains pouvoirs notamment politiques (§4). Malgré tout, des axes d'améliorations sont envisageables (§5).


La Justice française en budget et en chiffres.


Il est impossible d'exercer une saine justice sans hommes susceptibles de l'assurer. Hors, la France souffre d'un manque de personnel: il y a ainsi 7 500 magistrats pour traîter 5 millions d'affaires par an, 250 juges d'application des peines pour traîter 180 000 dossiers, 569 juges d'instructions pour 35 000 affaires. Entre 1867 et 1997 le nombre de magistrats n'a pas varié alors que la population française a doublé! Face à ces problèmes d'effectifs les conséquences sont évidentes: les magistrats sont recrutés à la sortie des écoles, sont parfois jeunes et inexpérimentés. Par ailleurs la France connait la charge de travail judiciaire la plus lourde de l'Union Européenne après la Norvège.
La France ne consacre que 1,6 % de son budget soit 0,6 % de son PIB à sa justice, ce qui la classe au 23ème rang sur 25 en Europe. Ces problèmes de budget affectent les interlocuteurs de la Justice: ainsi à Perpignan 600 expertises sont en attente de paiement, au niveau national de nombreux médecins légistes connaissent aussi des retards de paiement.
Ainsi à Bobigny en 2001 il y avait 25 000 affaires en attente d'enregistrement, 18 000 dossiers étaient effectivement traîtées par les juges (soit 1 600 par personne), les crimes étaient jugés trois ans après leur réalisation.

Au-delà de ces problèmes financiers et humains, la France connaît des problèmes dans le temps de gestion des dossiers: à Reims le traitement du courrier avait quatre mois de retard en 2001. Ainsi Mario-Luis Cragheiro, vice-président du Tribunal Correctionnel de Reims confesse que malgré des semaines de 60 heures de travail il n'approfondit pas ses dossiers pour éviter de finir chaque jour à cinq heures du matin. Nombre de juges et de magistrats affirment lire en diagonale leurs dossiers, ne plus avoir le temps d'étudier les nouveaux textes juridiques. La France a ainsi été condamnée de nombreuses fois par la Cour de Justice de la Communauté Européenne pour la lenteur de sa justice: un an en moyenne pour un dossier contre un mois et demi en Grande-Bretagne...
Le salaire moyen d'un magistrat est de 23 800 euros annuels contre 77 200 au Danemark.


L'insécurité dans les Tribunaux: pire que dans les banlieues françaises!

Dans un récent sondage, 57 % des Français interrogés avouaient que le premier sentiment que leur inspirait leur Justice était...la peur. En effet, si l'opinion publique s'est focalisée sur le procès d'Outreau, celle-ci ne se rend pas encore compte de l'état pitoyable de sa justice, véritable bourgeon d'Outreaux futurs.
Rappelons les rapports publiés par le Conseil de l'Europe et la Commission européenne pour l'efficacité de la justice ont classé la France 23ème pays européen sur 25 concernant divers critères judiciaires (budget, accès à la justice, personnel...). Les chiffres sont plus qu'éloquents: elle consacre 28,35 € par habitant et par an à sa justice, contre 53,13 € en Allemagne ou 64,41 € au Portugal; possède 0,5 procureur pour 20 000 habitants contre 1,5 en Allemagne, et 10,37 juges professionnels pour 100 000 habitants contre 25,3 en Allemagne.

Ces problèmes financiers et de personnels font qu'il est devenu plus dangereux d'entrer dans un tribunal que dans n'importe quelle banlieue française.
Ainsi en 2005, la Justice française a accordé plus de 585 années de prisons à des innocents: la détention préventive qui consiste a incarcérer une personne qui n'a pas encore été jugée concerne 35 à 40 % de la population carcérale française (contre une moyenne européenne de 20 %). Nul n'est à l'abri de l'erreur judiciaire.
Même si la gauche a tenté d'encadrer ses pouvoirs entre 1997 et 2002 (en imposant un contrôle de ses actes et une obligation de motiver de ceux-ci), le juge d'instruction, qui est à la fois enquêteur et arbitre du procès, continue d'exercer des pouvoirs exorbitants. Cette déviance est accrue par le système inquisitoire à la française qui, contrairement au système accusatoire, donne un monopole au juge dans le procès, au détriment du justiciable.
La loi Perben II a accru ces atteintes au droit de la défense et aux Libertés publiques en instaurant le plaider coupable. Celui-ci supprime le recours protecteur de la Justice et du procès en lui substituant la négociation directe juge-accusé. Cette relation forcément déséquilibrée instaure un Etat d'exception permanent, qui fait penser à l'Etat d'urgence sous l'Apartheid en Afrique du Sud qui permettait de suspendre la Constitution et la Loi lorsque la Patrie s'estimait en danger. Un de ces état d'urgence a duré deux ans...

Au-delà de cette insécurité juridique, il existe aussi une insécurité financière: la loi organique relative aux lois de finances impose aux tribunaux une culture de gestion digne des meilleures multinationales. Ainsi en 2006 elle a attribué à la Justice un budget de 370 millions d'euros, alors que celle-ci table sur des dépenses de 600 millions d'euros! Du coup les tribunaux vont devoir contrôler leurs frais de justice, sachant que ceux-ci devront être estimés a priori (invitons les juges à consulter Elisabeth Teissier pour savoir si un deuxième AZF - 1,5 millions d'euros de frais d'expertise - n'apparait pas dans les astres) et que ces crédits seront limitatifs, donc impossibles à augmenter en cours d'année. Déjà dans plusieurs villes des experts et des médecins légistes ne sont plus payés depuis des mois (cf supra). En outre, une culture du productivisme à faire pâlir toute usine se développe dans les tribunaux.

Afin de lutter contre cette insécurité dont Walker Texas Sarkozy ne parle jamais, il convient de réserver la détention provisoire aux individus dangereux ou susceptibles de supprimer des preuves, d'encadrer et de contrôler les jeunes juges et les juges d'instruction, d'augmenter les moyens financiers et humains, d'évaluer les experts et les magistrats. Au même titre que la Grande Bretagne on peut instaurer des conseils citoyens chargés de contrôler l'action de la justice ou favoriser l'échevinage qui permet à un citoyen d'être co-juge d'une décision judiciaire. Enfin abroger les lois Perben II et favoriser les actions récursoires de l'Etat contre les juges qui font des erreurs, peu appliquées.
Edgar Faure disait que la Jusitice était le seul service public où les fonctionnaire étaient payés pour contredire les hommes politiques. Dans un véritable état de droit, on comprend mieux l'hostilité de la Droite à favoriser ce dangereux contre-pouvoir: Alain Juppé ou Charles Pasqua ont tellement été victimes des racailles des tribunaux.


Le difficile accès des citoyens à la Justice.

  • favoriser l'information et l'action des justiciables.

La Justice en France est une femme qui n'accorde ses faveurs qu'aux plus fortunés...Le coût moyen d'un procès étant de 1 500 € l'accès réel à la Justice est aussi un enjeu financier dans la mesure où les moins nantis ne peuvent réclamer sa protection: combien de personnes ont renoncé à agir en Justice au vu des frais? La gauche a permis un accès facilité à la justice grâce à l'aide juridictionnelle. Cependant celle-ci s'élève à 4,64 € par habitant et par an contre 53,8 € en Grande-Bretagne!

En Grande-Bretagne une action en justice se fait par simple lettre recommandée alors qu'en France les procédures sont longues et coûteuses. L'établissement des juges de proximité aurait pu atténuer ces problèmes mais leur bilan est plus que mitigé: il s'agit de non-professionnels dont le Conseil Supérieur de la Magistrature qualifie le bilan d'un tiers d'entre eux de "catastrophique". Ils traîtent des "petits" litiges c'est-à-dire ceux inférieurs à 4 000 € (26 000 Francs environ), ce qui correspond tout de même à 4 SMIC le rappelle l'UFC-Que choisir.

Il convient de mieux aider aux démarches juridiques, créer une véritable politique d'accueil dans les Tribunaux, mutiplier les lieux d'information et augmenter les subventions aux nombreuses associations s'occupant bénévolement d'aide juridique. Enfin il convient de d'autoriser les "class actions" qui permettent aux Etats Unis à des particuliers d'agir en justice en nom collectif (associations de victimes, de consommateurs...) ce qui a pour conséquence de diminuer les coûts du procès par personne.

  • simplifier la légalité.

"Nul n'est censé ignorer la loi" affirme un adage juridique. Pourtant la vérité est ailleurs: il y a 250 000 textes de loi en France. Face à cette inflation législative, un travail de simplification et donc d'abrogation s'impose. Plutôt que de faire preuve de l'imagination débordante d'un Nicolas Sarkozy qui invente une nouvelle loi chaque fois qu'il regarde le journal de Jean Pierre Pernaud, il convient d'appliquer les lois existantes - un récent rapport du Sénat prouvait qu'un fort pourcentage des lois votées n'étaient pas appliquées.

Par ailleurs un travail d'unification juridique par la Chancellerie est nécessaire: il y a aujourd'hui autant de politiques pénales qu'il y a de Parquets car l'application d'une loi ne sera pas la même à Tulle qu'à Saint-Denis.

  • protéger les victimes.

Contrairement aux propos de Monsieur Sarkozy (parlons de lui car il est tellement égocentrique que lorsqu'on ne parle plus de lui, il croit être devenu sourd), le parti socialiste ne s'est pas contenté depuis 1981 de protéger les coupables car de nombreux textes ont été votés pour défendre les victimes.
Ainsi la loi du 8 juillet 1983 renforce la protection des victimes et institue un CIVI (commission d'indemnisation des victimes d'infraction) dans chaque Tribunal de Grande Instance; la loi du 5 juillet 1985 - loi Badinter - permet l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation; la loi du 6 juillet 1990 instaure la réparation intégrale des victimes d'infraction contre les personnes; la loi du 15 juin 2000 a permis d'augmenter la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes.
Il convient d'étendre cette protection aux victimes d'atteinte aux biens.
Dans un autre domaine il convient d'admettre comme aux Etats Unis ou en Allemagne la possibilité pour un justiciable d'invoquer la Constitution dans un procès (la question préjudicielle).


Favoriser l'indépendance de la Justice.

Comme l'a prouvé sa brillante décision sur le CPE, le Conseil Constitutionnel resplendit par son prestige. Nommé pour un tiers par le Président de la République, un autre tiers par le Président du Sénat et un dernier tiers par celui de l'Assemblée Nationale, ce mode de désignation atteste de sa soumission de fait aux autres organes, d'autant que le Général de Gaulle y nommait des amis dociles, François Mitterrand des amis dociles ayant fait un peu de Droit dans leur scolarité (malgré des exceptions comme Robert Badinter): la politisation de cette institution nuit à sa crédibilité. D'autant que contrairement à l'Espagne ou à l'Italie il n'est pas nécessaire d'être juriste pour y siéger. Son contrôle ne porte que sur la Constitution et son préambule (depuis 1971), et un citoyen seul ne peut le saisir.
Le Parquet peut subir des instructions individuelles dans certaines affaires (cf les affaires Juppé ou Tiberi), les procureurs généraux sont nommés en conseil des ministres. Depuis que Dominique Perben est Garde des Sceaux il y a eu de nombreuses mutations de personnel autoritaires, des nominations contre l'avis du CSM. Pour solutionner ces déviances l'élection des juges et des magistrats par les citoyens est envisageable, tout comme l'obligation de nommer des personnes désignées sur des listes établies par des juristes comme c'est le cas en Italie.
Il convient aussi de lutter contre les pressions de l'opinion publique et des médias, en sanctionnant ainsi les excès des médias.


Quelques reflexions pour améliorer la Justice.

  • sur les problèmes de personnels.

Il faut évaluer les magistrats et les juges sur leurs comportements individuels, en réalisant un audit disciplinaire (ex comportement alcoolique...), à l'exemple de la loi du 11 mars 2004 qui oblige à un contrôle quinquennal des experts judiciaires. Il faut favoriser les sanctions contre les erreurs manifestes des magistrats en mettant plus en oeuvre l'action récursoire qui permet à l'Etat d'agir contre un juge suite à une indemnisation de l'Etat pour faute de justice.
Il faut favoriser la collégialité de jugement pour les jeunes magistrats et les affaires difficiles, mais aussi parrainer et encadrer les jeunes juges.
Il faut favoriser le contrôle de la justice par les citoyens par le biais des conseils citoyens qui permettent ce type d'action en Angleterre, ou par l'échevinage qui permet à des particuliers de co-juger dans un procès.

  • autres propositions.

Recourir plus facilement à des médiateurs ou à des conciliateurs; en prison favoriser les peines alternatives à la détention et éviter le fourre-tout carcéral.


LA DECADENCE DE LA CINQUIEME REPUBLIQUE

" Les institutions? Avant moi elles étaient dangereuses, après moi elles le redeviendront ". Dix ans après le départ de François Mitterrand de l’Elysée, ses propos sont plus que jamais d’actualité.
Avec une dissolution ratée par un Président de la République qui reste toujours en exercice, un Président du Conseil Constitutionnel appelé devant la justice et un Chef d’Etat cité dans de nombreuses affaires judiciaires (emplois fictifs, financement occulte, détournements de fonds publics), une extrême droite et une extrême gauche entre 15 et 20 %, un candidat d’extrême droite au deuxième tour d’une élection présidentielle et un taux d’abstentionnisme élevé, on est en droit de se demander si les propos de François Mitterrand n’étaient pas prophétiques.

Dès son adoption en 1958 Pierre Mendès France et François Mitterrand émirent des réserves prononcées sur le régime de la Cinquième République et sur son inspirateur, le Général de Gaulle. Leurs critiques visaient le caractère plébiscitaire et populiste du régime, ses dérives monarchiques et la faiblesse de ses contre-pouvoirs, mais surtout le caractère illégitime de la prise de pouvoir de de Gaulle.
Alors, après cinquante ans de bons et loyaux services, les institutions de la Cinquième République sont-elles réellement obsolètes? Si l’actualité récente atteste d’un essoufflement voire d’un vieillissement des institutions, doit-on pour autant les remettre en cause?

L’organisation des pouvoirs publics en France sous la Cinquième république.

Sous l’impulsion du Général de Gaulle elle se caractérise par un pouvoir exécutif fort (A), mais aussi par un Parlement affaibli voire « humilié » selon l’expression de François Bayrou (B).

A- Les dérives monarchiques du régime.

La pensée politique du Général de Gaulle s’enracine dans les écrits du penseur Charles Maurras (1858-1952) qu’on pourrait qualifier de « papa de la Cinquième République ». S’il n’a pas retenu son racisme, son monarchisme et sa volonté de décentralisation, il s’est tout de même inspiré de son nationalisme, de son anti-parlementarisme et de son goût pour l’autoritarisme. Le système idéal selon Maurras est le césarisme qui prône un lien direct entre le Peuple et son dirigeant, sans contre-pouvoir susceptible de parasiter la Volonté Générale. D’où le recours aux référendums, l’élection du Président au suffrage universel direct (1962), les chantages à la démission.

Dans la Constitution, l’article 5 ne lui confère qu’un rôle d’ « arbitre », terme juridiquement très flou, or le sociologue allemand Max Weber affirmait que l’intérêt d’un texte constitutionnel n’est pas ce qu’il dit mais plutôt ses silences qui sont autant de réserves de pouvoir.

Mis à part ce rôle la Constitution lui confère des pouvoirs très étendus: il peut soumettre des référendums (article 11), dissoudre l’Assemblée Nationale (article 12) et dirige la politique étrangère (article 15).

Concernant les référendums, de Gaulle a considérablement étendu son recours suite à un coup d’Etat juridique: alors que l’article 89 prévoit spécifiquement un vote du Parlement pour toute révision constitutionnelle, de Gaulle s’est appuyé sur l’article 11 sur l’organisation des pouvoirs publics, et ce pour un sujet mineur qui n’était que le mode d’élection du Président… de Gaulle affirmait qu’une Constitution c’est un texte, un esprit, une pratique. Par ses pratiques il a bien éclairé sur l’esprit qu’il souhaitait donner aux institutions.

Autre problème: la politique internationale. De Gaulle a inventé un concept politique, celui du « domaine réservé ». Selon ce concept, la politique internationale serait par essence du ressort du Président - on se demande d’où viendrait ce principe: de l’Ancien Testament biblique peut être? A ce titre le Président gère ces dossiers, sans obligation d’avertir le Premier Ministre ou le Parlement, la seule limite résidant dans les cas de déclarations de guerre où il doit informer le Parlement, mais la pratique est plus que restrictive puisque la dernière fois que cette obligation a été utilisée c’était…en 1939. C’est-à-dire que ni la guerre d’Indochine, ni les « évènements » d’Algérie, ni les interventions au Liban ou au Kosovo ne furent contrôlées par le Parlement. Ainsi se développe une diplomatie occulte, l’exemple typique étant le Rwanda avec qui les différents Présidents depuis 1970 ont signé des accords bilatéraux de coopération militaire. Dès lors l’armée française fut spectatrice du premier rang du génocide de 1993, sans capacité d’intervention mais aussi malheureusement sans pop corn. Ce type d’accords sont nombreux avec les pays africains et Madagascar.

Par ailleurs la pratique a encore accéléré ces pouvoirs: l’existence du « fait majoritaire » depuis 1962, qui veut que le groupe dominant à l’Assemblée soit un groupe majoritaire et discipliné à son parti, a encore accru les prérogatives réelles du Président qui est Chef de l’Etat mais aussi chef de la majorité ou de l’opposition parlementaire. En outre le quinquennat et surtout la coïncidence entre les années d’élections présidentielles et législatives et l’inversion des calendriers électoraux, qui fait que la présidentielle précède les législatives, ont réduit le Parlement à une armée de petits soldats.

Le plus inquiétant est l’article 16 qui accorde au Président un pouvoir de dictature de fait en cas de circonstances exceptionnelles. Ces dispositions devraient être plus encadrées. Ainsi le Président doit consulter le Premier Ministre et les présidents des assemblées et du Conseil Constitutionnel, mais sachant que lorsqu’il devait consulter Gaston Monnerville, ancien président du Sénat, de Gaulle se contentait de lui envoyer un courrier l’informant de son bon vouloir on comprend que ces dispositions ne sont guères contraignantes. L’article 16 ne peut raisonnablement demeurer un pouvoir propre sous peine de mépris de tout principe démocratique, ce pouvoir doit être partagé avec d’autres entités politiques. Par ailleurs il conviendrait de définir strictement dans un texte le contenu exact et exhaustif de la notion de « circonstances exceptionnelles ». En effet tous les Présidents n’ont pas l’omniscience du Général.

Pour ce qui est de sa responsabilité, le principe selon lequel tout pouvoir entraîne une responsabilité ne concerne pas le Président: il est seulement responsable devant le Peuple tous les cinq ans même si son parti échoue à des élections législatives ou s’il est désavoué suite à un référendum. S’il peut remettre en cause sa responsabilité devant le Peuple par le biais d’une dissolution, même s’il est désavoué (il ne s’agit bien sûr que d’un exemple…) il conserve le pouvoir. Pénalement, en vertu de l’adage monarchique « le Roi ne peut mal faire », elle est très réduite puisqu’elle n’est engageable qu’en cas de « haute trahison » (article 68), ce qui réduit considérablement les hypothèses. Ainsi Jacques Chirac, mis en cause dans de nombreuses affaires avec une dizaine de chefs d’inculpation (prise illégale d’intérêt, détournements de fonds publics…) n’a jamais été inquiété. Monarchie quand tu nous tiens… D’ailleurs lors de sa mise en cause au Parlement, seule une trentaine de parlementaires ont signé ce texte. Solidarité professionnelle quand tu nous tiens…

Concernant le Premier Ministre, celui-ci est soumis de fait au Président de la République: l’article 8 de la Constitution donne au Président le pouvoir de nommer le Premier Ministre, ce qui engendre de fait une subordination entre ces deux pouvoirs. Si le droit de révocation n’est pas autorisé de droit, celui-ci s’applique dans les faits: certains premiers ministres de la Cinquième République ont ainsi affirmé que le Président (il s’agissait de de Gaulle et de Pompidou) leur faisait signer des lettres de démission avec une date en blanc.
En outre ce qu’il y a de plus scandaleux c’est que la Constitution accorde au Gouvernement le pouvoir de déterminer et de conduire la politique de la Nation (article 20), alors que son dirigeant, le Premier Ministre, n’est pas nommé par le Peuple. Le Peuple aurait-il élu, si on l’avait consulté à cette époque et s’il avait dû s’exprimer par les urnes, des hommes tels qu’Alain Juppé ou Jean Pierre Raffarin? La pratique gaulliste consistant à placer ses amis ou un fusible comme Premier Ministre est une véritable atteinte à la démocratie. Pour mémoire Jean Pierre Raffarin a présenté quatre lettres de démission qui ont été rejetées par Jacques Chirac. Louis XVI est-il vraiment mort?

B- Le parlementarisme humilié.

Fidèle à Charles Maurras, de Gaulle se montre ouvertement méprisant à l’égard des parlementaires et des partis politiques dont les divisions seraient à l’origine de la débâcle de 1940...

Afin de concrétiser ce mépris il réduit considérablement les prérogatives du Parlement.

Tout d’abord il procède à une réduction du nombre de matières relevant de la loi - ce que l’on appelle le parlementarisme rationalisé. Ainsi l’article 34 de la Constitution énumère limitativement les matières relevant de la loi, tout le reste relevant du pouvoir réglementaire, attribut du Gouvernement (article 37) qui ne connaît aucune autre limite. De plus l’article 38 permet au Gouvernement de légiférer par simples ordonnances.

Concernant le pouvoir de contrôle du Parlement, attribut démocratique essentiel, celui-ci est faible: le Gouvernement peut faire voter sa confiance au Parlement sur une simple déclaration de politique générale et non sur un programme détaillé (article 49-1); une loi peut être votée sans débats et sans amendements des parlementaires (article 44-3 et surtout 49-3). Surtout le nombre de commissions parlementaires permanentes, qui contrôlent l’activité gouvernementale, a baissé de manière significative: alors qu’elles étaient 15 en 1946, elles sont aujourd’hui 6.

Le pouvoir budgétaire du Parlement s’est aussi réduit: 10 % seulement du budget est voté par le Parlement: ainsi certaines dépenses - « les services votés » - ne sont pas contrôlées et ne font l’objet d’aucune discussion, elles sont reconductibles automatiquement; par ailleurs la loi organique du 2 janvier 1959 limite aussi le contrôle du Parlement sur le budget.

Ces dérives se sont aggravées par des détails d’organisation: ainsi la loi est strictement encadrée financièrement (article 40); la rentrée des parlementaires se fait au mois d’octobre soit un mois après celle du Gouvernement. Par ailleurs le cumul des mandats réduit les parlementaires à des employés à temps partiel: alors qu’en 1936 35,7 % des députés exerçaient un autre mandat local, en 1988 c’était le cas de 96 % des parlementaires! Comment exercer un contrôle et un travail efficace sans avoir un temps complet à y consacrer? Par ailleurs comment peut-on justifier que dans un pays qui compte officiellement 2,5 millions de chômeurs certaines personnes puissent cumuler 2 ou 3 emplois soit 2 ou 3 salaires? Il est à noter que le cumul des mandats est une spécialité française puisque de nombreuses démocraties européennes prohibent légalement voire constitutionnellement ce type de pratiques.

Enfin d’autres faits ont affaibli le pouvoir législatif par rapport à l’Exécutif: ainsi l’inversion du calendrier électoral (présidentielles précédant les législatives) fait que les législatives ne deviennent qu’une élection d’une armée de petits soldats au service du Général; par ailleurs l’existence du fait majoritaire depuis 1962 - coïncidence entre la majorité au Parlement et le Gouvernement - a engendré une discipline voire une docilité du Parlement vis-à-vis de l’Exécutif.

Il est à noter que l’Union européenne a involontairement creusé ce fossé: 60 % des lois votées par le Parlement ne sont que de simples retranscriptions de directives européennes dont l’origine sont la Commission européenne, dont les membres ne sont pas élus par le Peuple, et le Conseil européen, composé des Exécutifs des Etats européens.

Dans le Contrat social (1762), Jean Jacques Rousseau affirmait que la loi devait être le produit de la Volonté Générale, somme des volontés particulières des citoyens, et devait être du monopole du travail de ses représentants réunis en assemblée. Aujourd’hui la Volonté Générale n’a plus que les sondages et le courrier des lecteurs des médias français pour s’exprimer…


Les contre-pouvoirs sous la Cinquième République.

Ceux-ci ont été volontairement affaiblis dans la Constitution (A), alors que le « pouvoir » judiciaire se voit subordonné au pouvoir exécutif (B).

A- Des contre-pouvoirs bâillonnés.

Selon Montesquieu, « il est notable que toute personne qui se voit attribuer un pouvoir est porté à en abuser ». Pour éviter ces déviances il faut que « le pouvoir arrête le pouvoir » (de l’Esprit des Lois, 1748). Dans le même esprit Alain affirmait au dix neuvième siècle que l’essence de la démocratie réside dans le contrôle du pouvoir par ses citoyens et l’existence de contre-pouvoirs. Tout porte à croire que le Général ne possédait malheureusement pas d’ouvrages de ces auteurs dans sa bibliothèque…

Afin de rassurer l’opinion publique de Gaulle accepta la création d’un Conseil Constitutionnel pour contrôler le respect de la Constitution et servir de garde-fou à l’Exécutif. Pourtant certaines réserves sont nécessaires: concernant son domaine de contrôle celui-ci est très limité puisqu’il ne porte que sur la Constitution; il a fallu attendre une décision du Conseil Constitutionnel au raisonnement juridique plus que douteux (« Liberté d’association », le 16/07/1971) pour que le préambule, à savoir la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et le Préambule de la Constitution de 1946, soit inclus dans son champ de contrôle. Par ailleurs les conditions de nominations de ses membres sont à revoir: ils sont nommés par des hommes politiques, le Président est notamment nommé par le Président de la République, ce qui engendre une subordination de fait, et sans aucun critère professionnel comme avoir une formation juridique. Ainsi le Général de Gaulle prit l’habitude de nommer des amis à ces postes, mais la pratique depuis Mitterrand est de nommer des hommes politiques à formation juridique (Robert Badinter, Simon Veil, Roland Dumas, Pierre Mazeaud…). Enfin la saisine est limitée: seuls 60 députés et 60 sénateurs peuvent le saisir, ainsi un citoyen ordinaire ne peut pas le saisir par le biais d’un procès par exemple (« la question préjudicielle »), le Conseil ne peut pas non plus s’autosaisir sauf dans des cas bien spécifiques comme l’organisation d’élections.

Par ailleurs le Sénat, qui possède un pouvoir législatif limité et un pouvoir consultatif, se limite à être un simple contre-pouvoir au réformisme: son mode d’élection à deux tours avec des grands électeurs, la surreprésentation de la campagne la plus rurale, son orientation éternellement à Droite en font l’agent du conservatisme.

La Cour des Comptes, produit de l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui autorise les citoyens à contrôler l’emploi des fonds publics par ses citoyens, a des attributions faibles: ainsi en Grande Bretagne la « National Audit Office » publie 40 contrôles par an sur l’utilisation des fonds publics, en France la Cour des Comptes en publie 3... le Parlement britannique réclame une trentaine d’audits sur les dépenses publics, Pierre Joxe affirmait qu’il était consulté 3 fois par an… Il n’existe pas de Commission permanente au Parlement pour contrôler et évaluer les dépenses publiques, quant aux dépenses du Président de la République (ses billets d’avions par exemples…) la Cour n’a pas le droit de les contrôler.

Le Conseil Economique et Social (article 69 et 70) pourrait être un excellent outil démocratique mais la Constitution lui confie un rôle consultatif on ne peut plus limité: ainsi le Gouvernement n’est pas lié par ses avis, il ne « peut » que le consulter donc sa consultation n’est pas obligatoire. Augmenter ses pouvoirs et son importance, en le rapprochant de ceux du Sénat, pourrait être positif.

Au niveau local les chambres régionales des comptes sont chargées de contrôler les dépenses publiques locales. Cependant leurs moyens sont faibles et les citoyens ne peuvent pas les saisir directement, d’où une efficacité limitée.

Enfin dernier contre-pouvoir et non des moindres, le Peuple. La Constitution de Gaulle lui a confié plus de pouvoirs: le référendum et l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Cependant le domaine du référendum était originellement très limité concernant ses matières, même si François Mitterrand l’a étendu; en outre les citoyens n’ont pas le pouvoir d’initiative du référendum. Par ailleurs, ils ne peuvent invoquer le contrôle de la constitutionnalité d’une loi au cours d’un procès. Ils ne peuvent pas non plus avoir l’initiative d’une loi par pétition. Concernant les élections présidentielles, le candidat n’est pas lié par son programme, comme le disait le penseur gaulliste Charles Pasqua « les promesses politiques n’engagent que ceux qui y croient »… Mais au fond donner plus de pouvoir au peuple est-il souhaitable? Jean Jacques Rousseau considérait que la démocratie pure était faite pour les dieux pas pour les hommes, Montesquieu affirmait quant à lui que pour exercer un pouvoir il faut connaître le droit international, la diplomatie, l’économie, ce qui n’est pas le propre du Peuple… Le débat mérite d’être tenu car les exemples de démocratie quasi-directe dans certains états des Etats-Unis ou dans certains cantons suisses ont bien souvent dérivé vers le populisme.

B- De l’autorité judiciaire.

Dans la Constitution il existe un pouvoir législatif, un pouvoir exécutif mais elle parle dans son titre VIII d’ « autorité » judicaire et non de « pouvoir » judicaire. Cela est significatif car les constitutionnels n’ont pas voulu donner d’autonomie à ce pouvoir. Jean Tibéri ou Alain Juppé ont pu un peu mieux respirer.

L’autorité judiciaire est placée sous la subordination plus ou moins forte du Garde des Sceaux. Celui-ci a la faculté de donner des instructions individuelles aux magistrats et aux procureurs, voire de les dessaisir. Le règne de Jacques Toubon fut le paroxysme de l’ingérence du pouvoir politique dans le domaine judiciaire: les interventions dans les procès d’Alain Juppé et de Jean Tibéri concernant la ville de Paris sont des références, de même que les « conseils » de certains cadres du RPR de l’époque concernant le procès Maurice Papon. La surprise c’est de savoir que Juppé, Tibéri et Papon sont tous des gaullistes. Au cours du « quinquennat » de Lionel Jospin, Elizabeth Guigou et Marylise Le Branchu ont moralisé la vie judiciaire en évitant les dérives précédentes.

Par ailleurs les juges Joly, Van Ruymbecke ou Halphen ont fait des témoignages plus qu’éloquents sur les pressions qu’ils ont pu subir.

D’un point de vue technique le dualisme entre une justice judiciaire et une autre chargée de l’administration donc de l’Etat mérite aussi discussion: l’Etat se soustrait au droit commun, surtout que le droit administratif est une fabrication jurisprudentielle et se fonde essentiellement sur des décisions de justice et non sur des textes légaux. Le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature qui régule et contrôle une partie de l’activité de la justice est à revoir: ses membres sont nommés par le Président de la République. Autrefois il devait se baser sur une liste de noms choisis par le Conseil d’Etat, la Cour de Cassation ou les corps de magistrats. Cette obligation a disparu. Une régression?

D’un point de vue financier et humain la Justice, garante du libéralisme moral, possède des moyens très faibles: ainsi en 1997 la France comptait autant de procureurs qu’en 1857 alors que la population avait doublé entre temps! Un rapport du Conseil européen de novembre 2004 sur les justices en Europe classait la France aux plus mauvaises places européennes sur de nombreux paramètres (budget, nombres de fonctionnaires, rapidité du traitement des affaires…). Ces données ont été confirmées par un rapport de la Cour des Comptes. Un rapport d’Alain Bauer affirmait que sur 5,4 millions des procédures présentées annuellement à la Justice, seules 600 000 sont traitées: les procureurs ont le monopole de l’opportunité des poursuites, sans aucun contrôle; le taux d’élucidation des délits se chiffrait de 20 à 25 %

Au-delà de ces réalités, l’accès des citoyens à la Justice doit être renforcé: ils ne peuvent pas poser de question préjudicielle au cours d’un procès c’est-à-dire contrôler la constitutionnalité d’une loi par un juge de droit commun; l’accès financier aux procès a été renforcé grâce à l’aide juridictionnelle mais de nombreux citoyens ont des difficultés à agir en justice, surtout que la Justice française est très procédurière (huissiers, notaires, greffiers, frais de justice…), pour information pour agir en justice en Grande Bretagne une lettre recommandée avec accusé de réception suffit; l’accès à la preuve est aussi ardu.

En fait la France ne respecte toujours pas les critères du « bons procès » fixés par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme: les traitements des dossiers sont lents, la France a été condamnée par la Justice européenne de nombreuses fois pour ses retards.

Etant donnés ces nombreux dysfonctionnements la Justice, contre-pouvoir traditionnellement protecteur des droits des citoyens dans notre culture politique libérale, peut difficilement exercer ses fonctions.