" Les institutions? Avant moi elles étaient dangereuses, après moi elles le redeviendront ". Dix ans après le départ de François Mitterrand de l’Elysée, ses propos sont plus que jamais d’actualité.
Avec une dissolution ratée par un Président de la République qui reste toujours en exercice, un Président du Conseil Constitutionnel appelé devant la justice et un Chef d’Etat cité dans de nombreuses affaires judiciaires (emplois fictifs, financement occulte, détournements de fonds publics), une extrême droite et une extrême gauche entre 15 et 20 %, un candidat d’extrême droite au deuxième tour d’une élection présidentielle et un taux d’abstentionnisme élevé, on est en droit de se demander si les propos de François Mitterrand n’étaient pas prophétiques.
Dès son adoption en 1958 Pierre Mendès France et François Mitterrand émirent des réserves prononcées sur le régime de la Cinquième République et sur son inspirateur, le Général de Gaulle. Leurs critiques visaient le caractère plébiscitaire et populiste du régime, ses dérives monarchiques et la faiblesse de ses contre-pouvoirs, mais surtout le caractère illégitime de la prise de pouvoir de de Gaulle.
Alors, après cinquante ans de bons et loyaux services, les institutions de la Cinquième République sont-elles réellement obsolètes? Si l’actualité récente atteste d’un essoufflement voire d’un vieillissement des institutions, doit-on pour autant les remettre en cause?
L’organisation des pouvoirs publics en France sous la Cinquième république.
Sous l’impulsion du Général de Gaulle elle se caractérise par un pouvoir exécutif fort (A), mais aussi par un Parlement affaibli voire « humilié » selon l’expression de François Bayrou (B).
A- Les dérives monarchiques du régime.
La pensée politique du Général de Gaulle s’enracine dans les écrits du penseur Charles Maurras (1858-1952) qu’on pourrait qualifier de « papa de la Cinquième République ». S’il n’a pas retenu son racisme, son monarchisme et sa volonté de décentralisation, il s’est tout de même inspiré de son nationalisme, de son anti-parlementarisme et de son goût pour l’autoritarisme. Le système idéal selon Maurras est le césarisme qui prône un lien direct entre le Peuple et son dirigeant, sans contre-pouvoir susceptible de parasiter la Volonté Générale. D’où le recours aux référendums, l’élection du Président au suffrage universel direct (1962), les chantages à la démission.
Dans la Constitution, l’article 5 ne lui confère qu’un rôle d’ « arbitre », terme juridiquement très flou, or le sociologue allemand Max Weber affirmait que l’intérêt d’un texte constitutionnel n’est pas ce qu’il dit mais plutôt ses silences qui sont autant de réserves de pouvoir.
Mis à part ce rôle la Constitution lui confère des pouvoirs très étendus: il peut soumettre des référendums (article 11), dissoudre l’Assemblée Nationale (article 12) et dirige la politique étrangère (article 15).
Concernant les référendums, de Gaulle a considérablement étendu son recours suite à un coup d’Etat juridique: alors que l’article 89 prévoit spécifiquement un vote du Parlement pour toute révision constitutionnelle, de Gaulle s’est appuyé sur l’article 11 sur l’organisation des pouvoirs publics, et ce pour un sujet mineur qui n’était que le mode d’élection du Président… de Gaulle affirmait qu’une Constitution c’est un texte, un esprit, une pratique. Par ses pratiques il a bien éclairé sur l’esprit qu’il souhaitait donner aux institutions.
Autre problème: la politique internationale. De Gaulle a inventé un concept politique, celui du « domaine réservé ». Selon ce concept, la politique internationale serait par essence du ressort du Président - on se demande d’où viendrait ce principe: de l’Ancien Testament biblique peut être? A ce titre le Président gère ces dossiers, sans obligation d’avertir le Premier Ministre ou le Parlement, la seule limite résidant dans les cas de déclarations de guerre où il doit informer le Parlement, mais la pratique est plus que restrictive puisque la dernière fois que cette obligation a été utilisée c’était…en 1939. C’est-à-dire que ni la guerre d’Indochine, ni les « évènements » d’Algérie, ni les interventions au Liban ou au Kosovo ne furent contrôlées par le Parlement. Ainsi se développe une diplomatie occulte, l’exemple typique étant le Rwanda avec qui les différents Présidents depuis 1970 ont signé des accords bilatéraux de coopération militaire. Dès lors l’armée française fut spectatrice du premier rang du génocide de 1993, sans capacité d’intervention mais aussi malheureusement sans pop corn. Ce type d’accords sont nombreux avec les pays africains et Madagascar.
Par ailleurs la pratique a encore accéléré ces pouvoirs: l’existence du « fait majoritaire » depuis 1962, qui veut que le groupe dominant à l’Assemblée soit un groupe majoritaire et discipliné à son parti, a encore accru les prérogatives réelles du Président qui est Chef de l’Etat mais aussi chef de la majorité ou de l’opposition parlementaire. En outre le quinquennat et surtout la coïncidence entre les années d’élections présidentielles et législatives et l’inversion des calendriers électoraux, qui fait que la présidentielle précède les législatives, ont réduit le Parlement à une armée de petits soldats.
Le plus inquiétant est l’article 16 qui accorde au Président un pouvoir de dictature de fait en cas de circonstances exceptionnelles. Ces dispositions devraient être plus encadrées. Ainsi le Président doit consulter le Premier Ministre et les présidents des assemblées et du Conseil Constitutionnel, mais sachant que lorsqu’il devait consulter Gaston Monnerville, ancien président du Sénat, de Gaulle se contentait de lui envoyer un courrier l’informant de son bon vouloir on comprend que ces dispositions ne sont guères contraignantes. L’article 16 ne peut raisonnablement demeurer un pouvoir propre sous peine de mépris de tout principe démocratique, ce pouvoir doit être partagé avec d’autres entités politiques. Par ailleurs il conviendrait de définir strictement dans un texte le contenu exact et exhaustif de la notion de « circonstances exceptionnelles ». En effet tous les Présidents n’ont pas l’omniscience du Général.
Pour ce qui est de sa responsabilité, le principe selon lequel tout pouvoir entraîne une responsabilité ne concerne pas le Président: il est seulement responsable devant le Peuple tous les cinq ans même si son parti échoue à des élections législatives ou s’il est désavoué suite à un référendum. S’il peut remettre en cause sa responsabilité devant le Peuple par le biais d’une dissolution, même s’il est désavoué (il ne s’agit bien sûr que d’un exemple…) il conserve le pouvoir. Pénalement, en vertu de l’adage monarchique « le Roi ne peut mal faire », elle est très réduite puisqu’elle n’est engageable qu’en cas de « haute trahison » (article 68), ce qui réduit considérablement les hypothèses. Ainsi Jacques Chirac, mis en cause dans de nombreuses affaires avec une dizaine de chefs d’inculpation (prise illégale d’intérêt, détournements de fonds publics…) n’a jamais été inquiété. Monarchie quand tu nous tiens… D’ailleurs lors de sa mise en cause au Parlement, seule une trentaine de parlementaires ont signé ce texte. Solidarité professionnelle quand tu nous tiens…
Concernant le Premier Ministre, celui-ci est soumis de fait au Président de la République: l’article 8 de la Constitution donne au Président le pouvoir de nommer le Premier Ministre, ce qui engendre de fait une subordination entre ces deux pouvoirs. Si le droit de révocation n’est pas autorisé de droit, celui-ci s’applique dans les faits: certains premiers ministres de la Cinquième République ont ainsi affirmé que le Président (il s’agissait de de Gaulle et de Pompidou) leur faisait signer des lettres de démission avec une date en blanc.
En outre ce qu’il y a de plus scandaleux c’est que la Constitution accorde au Gouvernement le pouvoir de déterminer et de conduire la politique de la Nation (article 20), alors que son dirigeant, le Premier Ministre, n’est pas nommé par le Peuple. Le Peuple aurait-il élu, si on l’avait consulté à cette époque et s’il avait dû s’exprimer par les urnes, des hommes tels qu’Alain Juppé ou Jean Pierre Raffarin? La pratique gaulliste consistant à placer ses amis ou un fusible comme Premier Ministre est une véritable atteinte à la démocratie. Pour mémoire Jean Pierre Raffarin a présenté quatre lettres de démission qui ont été rejetées par Jacques Chirac. Louis XVI est-il vraiment mort?
B- Le parlementarisme humilié.
Fidèle à Charles Maurras, de Gaulle se montre ouvertement méprisant à l’égard des parlementaires et des partis politiques dont les divisions seraient à l’origine de la débâcle de 1940...
Afin de concrétiser ce mépris il réduit considérablement les prérogatives du Parlement.
Tout d’abord il procède à une réduction du nombre de matières relevant de la loi - ce que l’on appelle le parlementarisme rationalisé. Ainsi l’article 34 de la Constitution énumère limitativement les matières relevant de la loi, tout le reste relevant du pouvoir réglementaire, attribut du Gouvernement (article 37) qui ne connaît aucune autre limite. De plus l’article 38 permet au Gouvernement de légiférer par simples ordonnances.
Concernant le pouvoir de contrôle du Parlement, attribut démocratique essentiel, celui-ci est faible: le Gouvernement peut faire voter sa confiance au Parlement sur une simple déclaration de politique générale et non sur un programme détaillé (article 49-1); une loi peut être votée sans débats et sans amendements des parlementaires (article 44-3 et surtout 49-3). Surtout le nombre de commissions parlementaires permanentes, qui contrôlent l’activité gouvernementale, a baissé de manière significative: alors qu’elles étaient 15 en 1946, elles sont aujourd’hui 6.
Le pouvoir budgétaire du Parlement s’est aussi réduit: 10 % seulement du budget est voté par le Parlement: ainsi certaines dépenses - « les services votés » - ne sont pas contrôlées et ne font l’objet d’aucune discussion, elles sont reconductibles automatiquement; par ailleurs la loi organique du 2 janvier 1959 limite aussi le contrôle du Parlement sur le budget.
Ces dérives se sont aggravées par des détails d’organisation: ainsi la loi est strictement encadrée financièrement (article 40); la rentrée des parlementaires se fait au mois d’octobre soit un mois après celle du Gouvernement. Par ailleurs le cumul des mandats réduit les parlementaires à des employés à temps partiel: alors qu’en 1936 35,7 % des députés exerçaient un autre mandat local, en 1988 c’était le cas de 96 % des parlementaires! Comment exercer un contrôle et un travail efficace sans avoir un temps complet à y consacrer? Par ailleurs comment peut-on justifier que dans un pays qui compte officiellement 2,5 millions de chômeurs certaines personnes puissent cumuler 2 ou 3 emplois soit 2 ou 3 salaires? Il est à noter que le cumul des mandats est une spécialité française puisque de nombreuses démocraties européennes prohibent légalement voire constitutionnellement ce type de pratiques.
Enfin d’autres faits ont affaibli le pouvoir législatif par rapport à l’Exécutif: ainsi l’inversion du calendrier électoral (présidentielles précédant les législatives) fait que les législatives ne deviennent qu’une élection d’une armée de petits soldats au service du Général; par ailleurs l’existence du fait majoritaire depuis 1962 - coïncidence entre la majorité au Parlement et le Gouvernement - a engendré une discipline voire une docilité du Parlement vis-à-vis de l’Exécutif.
Il est à noter que l’Union européenne a involontairement creusé ce fossé: 60 % des lois votées par le Parlement ne sont que de simples retranscriptions de directives européennes dont l’origine sont la Commission européenne, dont les membres ne sont pas élus par le Peuple, et le Conseil européen, composé des Exécutifs des Etats européens.
Dans le Contrat social (1762), Jean Jacques Rousseau affirmait que la loi devait être le produit de la Volonté Générale, somme des volontés particulières des citoyens, et devait être du monopole du travail de ses représentants réunis en assemblée. Aujourd’hui la Volonté Générale n’a plus que les sondages et le courrier des lecteurs des médias français pour s’exprimer…Les contre-pouvoirs sous la Cinquième République.
Ceux-ci ont été volontairement affaiblis dans la Constitution (A), alors que le « pouvoir » judiciaire se voit subordonné au pouvoir exécutif (B).
A- Des contre-pouvoirs bâillonnés.
Selon Montesquieu, « il est notable que toute personne qui se voit attribuer un pouvoir est porté à en abuser ». Pour éviter ces déviances il faut que « le pouvoir arrête le pouvoir » (de l’Esprit des Lois, 1748). Dans le même esprit Alain affirmait au dix neuvième siècle que l’essence de la démocratie réside dans le contrôle du pouvoir par ses citoyens et l’existence de contre-pouvoirs. Tout porte à croire que le Général ne possédait malheureusement pas d’ouvrages de ces auteurs dans sa bibliothèque…
Afin de rassurer l’opinion publique de Gaulle accepta la création d’un Conseil Constitutionnel pour contrôler le respect de la Constitution et servir de garde-fou à l’Exécutif. Pourtant certaines réserves sont nécessaires: concernant son domaine de contrôle celui-ci est très limité puisqu’il ne porte que sur la Constitution; il a fallu attendre une décision du Conseil Constitutionnel au raisonnement juridique plus que douteux (« Liberté d’association », le 16/07/1971) pour que le préambule, à savoir la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et le Préambule de la Constitution de 1946, soit inclus dans son champ de contrôle. Par ailleurs les conditions de nominations de ses membres sont à revoir: ils sont nommés par des hommes politiques, le Président est notamment nommé par le Président de la République, ce qui engendre une subordination de fait, et sans aucun critère professionnel comme avoir une formation juridique. Ainsi le Général de Gaulle prit l’habitude de nommer des amis à ces postes, mais la pratique depuis Mitterrand est de nommer des hommes politiques à formation juridique (Robert Badinter, Simon Veil, Roland Dumas, Pierre Mazeaud…). Enfin la saisine est limitée: seuls 60 députés et 60 sénateurs peuvent le saisir, ainsi un citoyen ordinaire ne peut pas le saisir par le biais d’un procès par exemple (« la question préjudicielle »), le Conseil ne peut pas non plus s’autosaisir sauf dans des cas bien spécifiques comme l’organisation d’élections.
Par ailleurs le Sénat, qui possède un pouvoir législatif limité et un pouvoir consultatif, se limite à être un simple contre-pouvoir au réformisme: son mode d’élection à deux tours avec des grands électeurs, la surreprésentation de la campagne la plus rurale, son orientation éternellement à Droite en font l’agent du conservatisme.
La Cour des Comptes, produit de l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui autorise les citoyens à contrôler l’emploi des fonds publics par ses citoyens, a des attributions faibles: ainsi en Grande Bretagne la « National Audit Office » publie 40 contrôles par an sur l’utilisation des fonds publics, en France la Cour des Comptes en publie 3... le Parlement britannique réclame une trentaine d’audits sur les dépenses publics, Pierre Joxe affirmait qu’il était consulté 3 fois par an… Il n’existe pas de Commission permanente au Parlement pour contrôler et évaluer les dépenses publiques, quant aux dépenses du Président de la République (ses billets d’avions par exemples…) la Cour n’a pas le droit de les contrôler.
Le Conseil Economique et Social (article 69 et 70) pourrait être un excellent outil démocratique mais la Constitution lui confie un rôle consultatif on ne peut plus limité: ainsi le Gouvernement n’est pas lié par ses avis, il ne « peut » que le consulter donc sa consultation n’est pas obligatoire. Augmenter ses pouvoirs et son importance, en le rapprochant de ceux du Sénat, pourrait être positif.
Au niveau local les chambres régionales des comptes sont chargées de contrôler les dépenses publiques locales. Cependant leurs moyens sont faibles et les citoyens ne peuvent pas les saisir directement, d’où une efficacité limitée.
Enfin dernier contre-pouvoir et non des moindres, le Peuple. La Constitution de Gaulle lui a confié plus de pouvoirs: le référendum et l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Cependant le domaine du référendum était originellement très limité concernant ses matières, même si François Mitterrand l’a étendu; en outre les citoyens n’ont pas le pouvoir d’initiative du référendum. Par ailleurs, ils ne peuvent invoquer le contrôle de la constitutionnalité d’une loi au cours d’un procès. Ils ne peuvent pas non plus avoir l’initiative d’une loi par pétition. Concernant les élections présidentielles, le candidat n’est pas lié par son programme, comme le disait le penseur gaulliste Charles Pasqua « les promesses politiques n’engagent que ceux qui y croient »… Mais au fond donner plus de pouvoir au peuple est-il souhaitable? Jean Jacques Rousseau considérait que la démocratie pure était faite pour les dieux pas pour les hommes, Montesquieu affirmait quant à lui que pour exercer un pouvoir il faut connaître le droit international, la diplomatie, l’économie, ce qui n’est pas le propre du Peuple… Le débat mérite d’être tenu car les exemples de démocratie quasi-directe dans certains états des Etats-Unis ou dans certains cantons suisses ont bien souvent dérivé vers le populisme.
B- De l’autorité judiciaire.
Dans la Constitution il existe un pouvoir législatif, un pouvoir exécutif mais elle parle dans son titre VIII d’ « autorité » judicaire et non de « pouvoir » judicaire. Cela est significatif car les constitutionnels n’ont pas voulu donner d’autonomie à ce pouvoir. Jean Tibéri ou Alain Juppé ont pu un peu mieux respirer.
L’autorité judiciaire est placée sous la subordination plus ou moins forte du Garde des Sceaux. Celui-ci a la faculté de donner des instructions individuelles aux magistrats et aux procureurs, voire de les dessaisir. Le règne de Jacques Toubon fut le paroxysme de l’ingérence du pouvoir politique dans le domaine judiciaire: les interventions dans les procès d’Alain Juppé et de Jean Tibéri concernant la ville de Paris sont des références, de même que les « conseils » de certains cadres du RPR de l’époque concernant le procès Maurice Papon. La surprise c’est de savoir que Juppé, Tibéri et Papon sont tous des gaullistes. Au cours du « quinquennat » de Lionel Jospin, Elizabeth Guigou et Marylise Le Branchu ont moralisé la vie judiciaire en évitant les dérives précédentes.
Par ailleurs les juges Joly, Van Ruymbecke ou Halphen ont fait des témoignages plus qu’éloquents sur les pressions qu’ils ont pu subir.
D’un point de vue technique le dualisme entre une justice judiciaire et une autre chargée de l’administration donc de l’Etat mérite aussi discussion: l’Etat se soustrait au droit commun, surtout que le droit administratif est une fabrication jurisprudentielle et se fonde essentiellement sur des décisions de justice et non sur des textes légaux. Le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature qui régule et contrôle une partie de l’activité de la justice est à revoir: ses membres sont nommés par le Président de la République. Autrefois il devait se baser sur une liste de noms choisis par le Conseil d’Etat, la Cour de Cassation ou les corps de magistrats. Cette obligation a disparu. Une régression?
D’un point de vue financier et humain la Justice, garante du libéralisme moral, possède des moyens très faibles: ainsi en 1997 la France comptait autant de procureurs qu’en 1857 alors que la population avait doublé entre temps! Un rapport du Conseil européen de novembre 2004 sur les justices en Europe classait la France aux plus mauvaises places européennes sur de nombreux paramètres (budget, nombres de fonctionnaires, rapidité du traitement des affaires…). Ces données ont été confirmées par un rapport de la Cour des Comptes. Un rapport d’Alain Bauer affirmait que sur 5,4 millions des procédures présentées annuellement à la Justice, seules 600 000 sont traitées: les procureurs ont le monopole de l’opportunité des poursuites, sans aucun contrôle; le taux d’élucidation des délits se chiffrait de 20 à 25 %
Au-delà de ces réalités, l’accès des citoyens à la Justice doit être renforcé: ils ne peuvent pas poser de question préjudicielle au cours d’un procès c’est-à-dire contrôler la constitutionnalité d’une loi par un juge de droit commun; l’accès financier aux procès a été renforcé grâce à l’aide juridictionnelle mais de nombreux citoyens ont des difficultés à agir en justice, surtout que la Justice française est très procédurière (huissiers, notaires, greffiers, frais de justice…), pour information pour agir en justice en Grande Bretagne une lettre recommandée avec accusé de réception suffit; l’accès à la preuve est aussi ardu.
En fait la France ne respecte toujours pas les critères du « bons procès » fixés par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme: les traitements des dossiers sont lents, la France a été condamnée par la Justice européenne de nombreuses fois pour ses retards.
Etant donnés ces nombreux dysfonctionnements la Justice, contre-pouvoir traditionnellement protecteur des droits des citoyens dans notre culture politique libérale, peut difficilement exercer ses fonctions.