Tentative de définition du lobbying
Le terme « lobby » est un terme d'origine anglaise et signifie « vestibule » ou « couloir » en français. Ce terme est entré dans le cadre politique dans la première moitié du dix neuvième siècle en Angleterre où il désignait alors les couloirs de la Chambre des Communes où les membres des groupes de pression pouvaient venir discuter avec les parlementaires.
Pourtant, si la définition d'un lobbyiste en 2007 peut paraître simple - à savoir une personne dont la profession est d'influencer les décisions des hommes politiques, généralement pour le compte de grands groupes privés - Roger Lenglet insiste sur la difficulté à définir le lobbying.
Tout d'abord comment faire la frontière entre d'un côté la corruption, et de l'autre la sensibilisation, la commercialisation, la simple séduction? Afin de distinguer ces notions Roger Lenglet indique que le corrupteur défend des intérêts particuliers, en se fondant sur une puissance financière lui permettant de peser sur les décisions politiques : agissant comme un commercial, il travaille à base d'argumentaires, de « cibles », de campagnes de communication, de fausses expertises afin de gagner des parts de marchés, parfois au mépris de la santé publique (lobbys pour l'amiante, le tabac, affaires de la vache folle ou de Tchernobyl, ou aujourd'hui lobbys défendant les OGM ou les ondes électromagnétiques).
Par ailleurs, les lobbys se cachent aujourd'hui derrière des couvertures plus « politiquement correctes » : bureau d'étude, cabinets de consulting, bureau d'architectes, de conseil juridique ou économique, cabinets d'expertise, conseil en urbanisme...d'où une visibilité difficile de l'état réel de la corrruption : la corruption « new age » n'a rien à voir avec l'image traditionnelle que l'on se fait d'elle. Loin de l'image hollywoodienne de porteurs d'enveloppes ou de gros bras dignes de la mafia, le corrupteur d'aujourd'hui est avant tout un commercial séducteur qui cache son job de corrupteur derrière une façade de pseudo-expert et qui se base sur des argumentaires commerciaux pour nous informer, grâce à des shémas ou à un jargon scientifique, que le nuage toxique de Tchernobyl s'est arrêté à la frontière française ou que l'amiante n'est pas dangereuse.
Description du lobbying new age en France
Le phénomène de la corruption en France est loin d'être marginal. Selon les rapports de Transparency International la France se distingue avec la Grêce, le Portugal et l'Italie pour ses mauvais indices concernant les pratiques clientélistes, anticoncurrentielles et frauduleuses.
Selon les lobbyistes que Roger Lenglet a interrogé, il y aurait en France entre 1000 à 10 000 personnes en France dont le job à plein temps serait de corrompre des élus ou des hauts fonctionnaires. Selon l'un d'eux chaque multinationale aurait un corrupteur par région et par secteur. Cette corruption est notamment importante dans la construction, la grande distribution, l'eau, l'énergie, la communication, l'agro-alimentaire, les déchets, l'éclairage public, la chimie, les assurances, les alcools, la restauration collective ou le chauffage urbain.
Si la France disposait d'un vrai dispositif de lutte contre ces corruptions, le prix des facturations des marchés publics baisserait de 20 à 30 %, soit une baisse de plus de trente milliards d'euros annuels du prix de ceux-ci, de quoi renflouer tout le système de protection sociale, ou pourvoir les budgets de l'éducation, de la santé et de la justice.
Selon l'Observatoire des risques juridiques des collectivités territoriales 850 élus et fonctionnaires territoriaux ont été mis en examen en 1999, une centaine l'ont été pour avoir violé la législation encadrant les marchés publics.
Ces cas sont loins d'être marginaux : tout le monde connait les affaires Michel Mouillot, Pierre Botton, Michel Noir, Alain Carignon. La plus illustrative de celles-ci est l'affaire des marchés publics concernant les lycées d'Ile-de-France qui ont vu Suez, Eiffage, Bouygues ou Vivendi verser près de 150 millions d'euros aux principaux partis politiques institutionnels en vue de l'obtention de marchés publics.
Selon un lobbyiste interrogé la loi de décentralisation de 1982 aurait fait d'eux des « seigneurs » : la gestion des services communaux par des délégataires privés est une véritable manne pour les corrupteurs, car elle a institué des nouveaux marchés potentiels. Il affirme par ailleurs que c'est dans les affaires de pots-de-vin que les remises de peine sont les plus fréquentes.
Dans le domaine de la santé, les lobbyistes siègent à l'AFSSAPS (agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) dans des commissions qui leur permettent d'intervenir dans le processus d'autorisation de mise sous le marché de leurs propres médicaments! Certains lobbyistes affirment aussi créer des fausses associations de malades pour faire pression afin d'autoriser la mise sur le marché de leurs médicaments. Cette situation peut inquiéter, d'autant que seule la revue Prescrire, seule revue médicale indépendante, effectue des contre-expertises sur les médicaments mis sur le marché.
Le lobbying s'exprime par le biais de « plans de corruption » qui visent à assouplir des réglementations, obtenir une loi ou une circulaire favorisant un marché, faire obstacle aux projets contre certaines dérives, favoriser des complaisances sur des trafics, s'emparer de marchés publics, fausser les appels d'offre, écarter un concurrent ou l'absorber plus facilement, entretenir une source d'information, peser pour retarder certaines décisions (amiante, pesticides, ondes électromagnétiques, OGM...), faire pression sur des experts...
Pour ce faire les « full-time » corrupteurs faussent les appels d'offres pour les marchés publics, en versant des dessous-de-tables aux membres d'une commission d'appel d'offres; corrompent des juges ou des experts scientifiques; une des personnes interrogée par Roger Lenglet affirme que les lobbyistes sont partout où il y a des marchés publics et de la concurrence.
Corrupteur professionnel
Si l'expression de « corrupteur professionnel » utilisée par Roger Lenglet peut paraître provocatrice, car elle insinue que des personnes emploieraient l'intégralité de leur temps de travail à corrompre, la lecture de son ouvrage justifie son utilisation.
Le lobbying s'enseigne pourtant dans des écoles de lobbying ou dans des formations dans ce domaine : il existe ainsi des masters en « représentation des intérêts » ou en lobbying. Le but est d'apprendre comment influencer les politiques ou l'opinion publique en y mettant des formes (déontologie, morale, ou en associant des acteurs à ses démarches pour être plus influent). Même l'Institut catholique de Paris dispense un master en lobbying! Dans ces écoles des lobbyistes, appelés parfois « parrains », interviennent. Il y a même des voyages d'études à Bruxelles, Strasbourg, Londres, au Luxembourg ou en Suisse!
Dans son livre Roger Lenglet développe la thèse selon laquelle des personnes sont employées quotidiennement, souvent par des grandes entreprises privées, afin de corrompre des élus, des fonctionnaires ou des experts. Ce professionnalisme s'exprime dans le fait qu'il existe une spécialisation des tâches par secteurs ou par activité (pots de vin, menaces, opérations commandos...).
Ce job semble par ailleurs bien rémunéré : un des lobbyiste interrogé affirme toucher 150 000 € par « contrat » (mission de corruption), un autre énonce diverses primes : 1 000 € pour casser un bras, 2000 € pour casser une jambe, 8 000 € pour casser un crâne...
Professionnalisme aussi dans les méthodes : citons ainsi la « gestion de crise » qui consiste à communiquer dans des cas de mise en danger des intérêts de la famille (« si ce médicament a causé tant de morts en deux mois, c'est la faute à le conjoncture astrologique... »); le « service après-vente » qui consiste à éviter de mouiller les commanditaires, par le biais notamment de la stratégie du bouc-émissaire qui consiste à faire endosser à un volontaire un délit organisé, c'est-à-dire à faire croire que les déviances liées à un système organisé de corruption ne serait le fait que d'une déviance individuelle.
Par ailleurs les corrupteurs professionnels s'informent régulièrement par le biais d'indics qu'ils corrompent dans différents domaines (renseignements généraux, banques...) et utilisent tout un matériel digne de James Bond pour traquer leurs proies ou les piéger.
Un des corrupteurs résume parfaitement le rôle des corrupteurs professionnels : « la corruption punie est une goutte d'eau dans l'océan de la corruption réelle. Mais mon métier est d'éviter à mes clients de faire partie de la goutte d'eau ».
24 heures dans la vie d'un corrupteur
L'enquête de Roger Lenglet permet de se faire une idée précise de l'état de la corruption en France. Elle décrit tout d'abord les corrupteurs comme des personnes discrètes, désireuses de rester dans l'ombre; elle les dépeint aussi comme des bons-vivants, sympathiques, qui tutoient facilement et dotés d'un sens de l'humour...de quoi occulter la réalité du lobbying en France, et de quoi séduire leurs victimes.
Un des corrupteur indique que son job commence toujours par une « étude d'environnement » qui consiste à s'informer sur les failles du corrompu potentiel, à faire des filatures ou des écoutes téléphoniques, à utiliser tout un réseau d'Huggys les bons tuyaux de services (flics, agents de banque, RG...), à partir de là un plan d'attaque, une stratégie est établie pour manipuler la victime et rendre efficace la corruption. L'auteur indique que l'accusation de détournement de mineur est notamment la plus efficace. Notons que le corrupteur interrogé est un ancien des RG. Ca n'est pas le seul.
L'auteur décrit aussi des « opérations commandos ». Le but est de racheter par exemple une entreprise. Afin de pouvoir racheter à un tarif plus que raisonnable un des corrupteur décrit la méthode : démoraliser la victime. L'équipe du corrupteur va ainsi un soir dans un chantier. Des lors l'équipe détruit des machines et sabote les camions. Pour brouiller les pistes ils laissent des inscriptions racistes ou écologistes selon les cas (pour installer des éoliennes ils vont jusqu'à tuer les animaux de membres d'une association de défense des oiseaux). Dès lors la victime est plus à même à discuter, à un prix diminué. Dans le contrat de vente il y a pourtant une surprise : une clause pour faire un audit du bien afin de réviser encore le prix, cet audit étant réalisé par un expert...corrompu bien évidemment.
L'auteur décrit d'autres « éco-attentats ». Il cite ainsi l'exemple de lobbyistes qui vont saboter des installations d'eau d'une commune qui gère son eau en régie municipale. Quelques jours après le sabotage, la commune signe un contrat avec une multinationale de l'eau...
D'autres moyens : corrompre les banquiers, les juges des tribunaux de commerce ou les avocats en les menaçant ou en leur donnant de la « camomille ». Cette « camomille » ne consiste pas qu'en de l'argent. Il peut aussi s'agir de piston ou de promotions.
La corruption s'exprime aussi par des avantages en nature : appareils stéréo, meubles, bijoux, voyages, autos, services gratuits...
La corruption peut aussi viser des experts : en contre-partie de crédits, de colloques ou de facilités à publier des écrits, certains experts acceptent d'orienter leurs travaux. L'auteur relate aussi l'expérience de l'ex-socialiste Claude Allègre, alors ministre, qui a tout fait pour orienter la recherche vers plus de rentabilité en favorisant celle qui pouvait satisfaire les industriels au mépris de la recherche fondamentale.
L'auteur indique aussi que certaines entreprises corruptrices espionnent leurs concurrentes en leur envoyant des espions maquillés en femmes de ménages! Celles-ci sont employées par des entreprises sous-traitantes « amis », et permettent de récupérer des documents importants dans les poubelles. Un corrupteur indique aussi qu'il a créé une fausse entreprise de recyclage de papier afin de récupérer des documents toujours parlants des poubelles des concurrents!
Au cours de son enquête un des corrupteurs décèdera par ailleurs d'un arrêt cardiaque (tous les témoins interrogés sont anonymes de peur de représailles fatales). Afin de commenter ce décès ces collègues expliquent combien il est simple de provoquer ce type de mort.
Le pantouflage, ou comment se créer un réseau
La corruption n'est cependant pas toujours aussi morbide ou exotique. Une autre forme de corruption consiste à récupérer le réseau, le savoir-faire et les connaissances acquises par les hauts fonctionnaires du public. Cette pratique a un nom : la pantouflage qui consiste à quitter le public pour aller dans le privé, avec des situations souvent proches du conflit d'intérêt.
Cette pratique est d'autant plus simple que les « pantoufleurs » peuvent voir leurs salaires doubler, tripler voire décupler en passant dans le privé, sans compter les commissions. Elle peut viser des hommes politiques, des flics, des contrôleurs des finances, des magistrats des brigades financières, des membres des RG...
Roger Lenglet cite quelques célèbres comme Georges Pompidou qui fit quelques allées retour entre le Gouvernement et la banque Rotschild. Il cite aussi le cas d'Elisabeth Hubert qui fut ministre de la Santé du Gouvernement Juppé et qui fut recruté dès son éviction par les laboratoires Fournier pour un salaire proche de 150 000 € annuels. Il narre aussi le cas de Thierry Breton qui démarchait déjà les multinationales pendant la campagne électorale de 2007 ou plaçait ses hommes à des postes clés avant de quitter son poste de ministre. Il raconte aussi le cas de Bernard Kouchner qui prit contact avec Daniel Vial, lobbyiste proche des laboratoires pharmaceutiques pour qu'il lui trouve un job, mais Nicolas Sarkozy fut plus rapide. Il relate aussi le cas de leaders écologistes qui ont des bureaux d'étude travaillant pour des pollueurs et qui apportent leur caution et leur expertise à des projets allant à contre-courant de leurs convictions.
Mais Roger Lenglet s'attarde sur le cas d'Eric Besson. Celui-ci fit des allers-retours entre la vie parlementaire à un poste directeur d'une multinationale (Vivendi, avec un salaire annuel pour 2001 de 140 418 €). Au-delà de ce cas l'auteur s'interroge sur le nombre de responsables socialistes en conflits d'intérêt du fait de leurs liens avec des grands groupes (contrats de travail, missions rémunérées, investissements financiers, postes de faux chargé de mission).
Mais si ces cas de pantoufleurs « VIP » sont notables, le pantouflage « d'en bas » l'est aussi. Le fait pour une multinationale de débaucher un contrôleur des finances permet de connaître les petits « trucs » pour passer entre les mailles du filet ou d'avoir un porteur d'enveloppe inspirant confiance lorsqu'il proposera des pots-de-vin à ses anciens collègues. Même situation pour le débauchage des magistrats : c'est plus facile de corrompre les juges. De même le débauchage des magistrats des brigades financières permet de connaître les failles de la justice ou les méthodes de celle-ci. Quant au débauchage des membres des RG, c'est tout un réseau de contacts et des méthodes qu'on acquiert.
Il existe une autre forme de pantouflage qui consiste à embaucher un proche d'un homme politique (relation, parent).
Les lobbys au Palais Bourbon
Interrogée par Rue 89, Séverine Tessier, présidente d'Anticor, nous fait une description du lobbying au sein de l'Assemblée Nationale (http://www.rue89.com/2007/06/22/les-lobbies-encadres-par-les-deputes) : cela commence à l'élection par une lettre de remerciement, suivie par une invitation au restaurant, par des voyages d'études dans destinations exotiques, des colloques tous frais payés pour « sensibiliser » sur certains thèmes, ou même des invitations pour des compétitions sportives (exemple Suez lors de la Coupe du Monde de football 2006...un peu avant les tractations sur une fusion GDF-Suez). Toutes ses pratiques ont notamment été dénoncées par Vincent Nouzille et Hélène Constanty dans leur ouvrage « Députés sous influence ».
Dans ce livre ils dénonce les méthodes utilisées par certains lobbyistes pour faire passer leurs messages : trafic de badges d'accès, recrutement d'assistants parlementaires, interventions payantes lors de colloques, rédaction d'amendements « prêts à l'emploi », « groupes d'études » téléguidés, création de « clubs » thématiques, organisation de voyages et de missions parlementaires à l'étranger...
Séverine Tessier décrit aussi le lobbying dont sont victimes les assistants parlementaires : leur profession étant peu encadrée, le fait qu'ils s'occupent de la rédaction de textes législatifs et sont au coeur de la vie parlementaire en font des proies pour les lobbys qui leurs proposent des « vacations rémunérées » sous couvert de missions de conseil en contre-partie de la production d'amendements législatifs à leur bénéfice et d'une situation de veille sur la vie parlementaire.
Au Palais Bourbon, les lobbys sont interdits mais pas les bureaux d'étude...qui bénéficient de badges d'accès (en tant que « collaborateurs parlementaires ») et peuvent même entrer dans des lieux interdits aux assistants parlementaires! Sous couvert de l'excuse de technicité des dossiers (en tant que personnalités « qualifiées ») viennent ainsi noyauter les lieux de décision, rédigent des lois clés en main et installent une veille parlementaire pour surveiller la production législative et veiller au bon passage de leurs projets.
Une méthode de pression : « le colloquing » qui consiste à organiser des colloques à la maison de la chimie notamment, avec un partenariat parlementaire-entreprises privées-lobbys (M & M conseil, Boury et associés, Agora europe) lors de ceux-ci.
Le « clubbing » permet de faire entrer des intérêts particuliers dans la vie parlementaire par le biais de clubs de députés. Des voyages sont à gagner : certains députés racontent ainsi comment ils se sont retrouvés à faire le VRP de multinationales, au mépris de la loi, lors de ces voyages à l'étranger.
Au niveau gouvernemental, Roger Lenglet indique que la désignation des membres du Gouvernement donnerait lieu à une répartion des parts de gateau entre les différents lobbys. Situation déjà décrite par Olivier Toscer dans son livre « Argent public, fortunes privées » où il décrit le financement des campagnes législatives de députés par des lobbys. Toutes les personnes aidées sont devenues ministres depuis, quelque soit leur bord politique.
La corruption vise aussi l'armement : ainsi dans les années 80 l'affaire Luchaire vit le versement de commissions occultes au PS en contre-partie de ventes d'armes à l'Iran. Depuis même si l'affaire des frégates de Taiwan fut sur-médiatisée, la corruption régulière fait son oeuvre : sous couvert de « frais commerciaux exceptionnels » les commissions versées financeraient les partis politiques au pouvoir, selon Roger Lenglet ces commissions atteindraient 10 à 15 % de la somme totale, et peuvent passer par le biais des rétrocommissions qui consistent à surfacturer les contrats afin d'y inclure les dessous-de-tables.
Europe et corruption
L'Union européenne se distingue pour sa grande ouverture aux lobbys : il y a à Bruxelles près de 15 000 lobbyistes répartis sur 3 à 4 km carré, soit un lobbyiste pour deux eurocrates. Cette situation découle du caractère technocratique de l'Union européenne qui s'exprime ainsi dans le fait que la Commission européenne ouvre le pouvoir d'initiatives des lois à des lobbyistes qui se cachent derrière le masque de pseudo-experts.
Ce rôle des lobbys s'est ainsi exprimé dans différents textes : traité constitutionnel européen, PAC, directive REACH sur la pollution chimique (bien remaniée par les lobbys).
Mais le pantouflage touche aussi les plus hautes sphères européennes : de nombreux commissaires européens ont ainsi cumulés leur fonction avec un autre poste – ou ont été débauchés au terme de leur « mandat » - avec des situations proches du conflit d'intérêt : Ricardo Perissich (Pirelli), Leon Brittan (Unilever), Karel Van Miert (Philips, Swissair), Etienne Davignon (Société générale), François Ortoli (Elf), Peter Sutherland (BP).
Cette situation est d'autant plus inquiétante que les institutions européennes ne font rien face à cette situation : ainsi lorsque Martin Bangemann, chargé des télécommunications, part travailler à Telefonica, il doit se contenter de faire une simple déclaration sur l'honneur indiquant qu'il ne profitera ni de ses réseaux, ni de son savoir-faire acquis!
Sous la commission Santer, celui-ci voulait plus de transparence et fit un audit à ce titre. Le résultat fut surprenant : pots-de-vin, fausses factures, doubles facturations, favoritismes, attributions de marchés sans appel à concurrence, détournements de fonds, emplois fictifs, salaires mirobolants...
Un fonctionnaire néerlandais Vert, Paul Van Buitenen, fit aussi un rapport sur ce même thème, il fut remercié et sanctionné financièrement...
Autre irrégularité : 2,4 millions d'euros d'aide humanitaire déstinée à l'ex-Yougoslavie et à la région des Grands Lacs perçue par une seule société, dissimulée par quatre sociétés-écrans, qui ont atterri dans les poches de onze fonctionnaires de la Commission, alors que les près de 30 millions d'euros restants du programme ont disparu!
Quelques solutions
En 2006, deux parlementaires (Arlette Grosskost et Patrick Beaudouin) ont proposé de légiférer sur le lobbying à l'Assemblée Nationale. Mais leur proposition était minimaliste : elle consistait à soumettre les lobbys à une obligation de déclaration et à une limitation de leur circulation. Pourtant des critiques se sont exprimées sur le fait que cette loi était une reconnaissance du lobbying, et un recul des frontières éthiques.
Une charte éthique pourrait s'imposer aux élus, avec à l'intérieur le refus des cadeaux, des avantages en nature. Les élus jugés pour des délits financiers doivent être inéligibles à vie, au nom de la vertu républicaine : comment peut-on durablement passer au Karcher les petites racailles et passer à l'eau bénite les racailles en col blanc? Et comment interdire l'accès à la fonction publique en cas d'existence d'un casier judiciaire et accepter les plus hautes fonctions à des élus détournant la confiance et l'argent du contribuable?
Il convient aussi d'établir un statut des assistants parlementaires, avec des interdictions quant à leurs fonctions.
Afin de limiter les pantouflages, la loi interdisait à un agent public ayant contrôlé une entreprise de travailler pour elle sous un délai de 5 ans. Ce délai a été récemment ramené à 2 ans. Il convient de revenir à un délai plus long.
Il faut encadrer la pratique des lobbyistes qui n'ont actuellement qu'un code de déontologie, non sanctionné, et se fonde sur l'autorégulation. Il convient de véritablement définir cette profession et déterminer la frontière entre information et corruption. Les entreprises de lobbying doivent voir leurs moyens financiers et leur activité limitées à un certain montant. Les sommes versées à des élus et hommes politiques doivent être déclarées.
Il convient de renouveler la présence de représentants des chambres régionales des comptes dans les commissions d'appels d'offres des marchés publics, qui doivent être mieux contrôlées.
La République a pour but de défendre l'intérêt général. A ce titre les intérêts particuliers doivent être écartés des choix publis car lorsque les intérêts particuliers s'affrontent c'est la loi du plus fort qui domine, et le plus fort en, la matière, c'est l'argent.
La corruption vit dans un sentiment d'impunité en France. Il convient d'y remédier.