Sorti le 6 février "9-2, le clan du Président" d'Hélène Constanty et Pierre-Yves Lautrou est un véritable résumé de l'affairisme politique dans les Hauts-de-Seine qui sont à la corruption politique ce que le 9-3 est à la petite délinquance : si dans le 9-3 les racailles font du rap, dans le 9-2 elles font de la politique.
Cet ouvrage s'intéresse à certains personnages locaux comme Patrick Balkany, Charles Pasqua ou André Santini, et résume les affaires qui émaillent la vie politique et économique du département.
Ce département est le plus petit et le plus riche de France après Paris, en 2005 son PIB était de 100 milliards d'euros, son budget de 1,6 milliard d'euros est un des plus important, il concentre le plus de sièges sociaux et a le plus grand quartier d'affaires d'Europe, à savoir la Défense.
La vie du département a connu deux périodes : l'avant Charles Pasqua, et l'après Charles Pasqua...
LE COUPLE BALKANY ET LEVALLOIS-PERRET
Le maire de Levallois-Perret est un des seuls amis proches de Nicolas Sarkozy : ils se sont connus en 1976 à la section RPR de Neuilly, sont tous deux d'origine hongroise, et sont tous deux des « babys Pasqua », car ils ont été formés par le parrain de l'UMP du 92.
Patrick Balkany connaît son baptême politique en 1978 lorsque Charles Pasqua l'envoie à Auxerre afin d'affronter Jean-Pierre Soisson et parvient à le mettre en ballottage. Sa femme Isabelle joue un rôle important dans sa carrière grâce à une expérience de deux ans dans les médias – France Soir, Combat, Europe 1 – qui lui permettra de constituer un carnet d'adresse utile à son mari.
En 1979 Charles Pasqua les envoie à Levallois-Perret afin de récupérer la ville aux communistes : en 1982 Patrick Balkany est élu conseiller général, et en 1983 après une campagne houleuse – ils se font tirer dessus et attaquer à la hache! - il devient maire de la ville, la même année que son ami Nicolas Sarkozy.
Très rapidement les traces de la politique sociale des communistes disparaissent, la ville se couvre d'immeubles modernes en passant par une société mixte, la SEMARELP. Il intéresse aussi les médias en armant la police municipale, en installant la vidéosurveillance, et étonne avec son style « droite bling-bling » avant l'heure.
« Je suis toujours en campagne » affirme Patrick Balkany, ce qui explique sa méthode, à savoir « faire le trottoir » comme dit son épouse : il connaît la ville par coeur, noyaute, interroge ses administrés ou les flatte. Sa femme s'occupe elle de la communication et des « services » : à la limite du clientélisme ils s'occupent des administrés par le biais de différents services à tarifs avantageux. Pour ce qui est des logements sociaux, la transparence dans leur attribution n'est pas leur point fort : l'opposition est exclue de la commission d'attribution.
Tout va pour mieux pour Patrick Balkany, sa femme récupérant par ailleurs son poste de conseiller général. Mais l'ascension connaît un brutal arrêt : lors des élections présidentielles de 1995 il apporte son soutien à Edouard Balladur, et non à Jacques Chirac.
Par ailleurs un juge enquête sur un possible financement occulte du RPR par le biais de l'office HLM de Paris. Son nom : Eric Halphen. Son enquête remonte à l'OPDHLM du 92 tenu par Patrick Balkany et un de ses amis, Didier Schuller. L'enquête fait son chemin, mais a surtout un effet négatif sur l'opinion vis-à-vis des balladuriens.
Jacques Chirac élu, un chiraquien, Olivier de Chazeaux, ravit la mairie à Patrick Balkany.
Et les affaires s'enchaînent : déjà en 1988 le cousin germain d'Isabelle Balkany avait réalisé une plus-value sur un terrain avec la complicité de la ville. En 1990 la Cogedim, promoteur immobilier, avait aussi vendu un appartement aux époux Balkany à moitié prix.
Olivier de Chazeaux découvre aussi quelques irrégularités : trois employés municipaux ont ainsi travaillé pendant des années dans la résidence des Balkany; Didier Schuller indique lui que les époux ont fait salarier le capitaine de leur yacht par des fonds publics; la chambre régionale des comptes met en cause la gestion des oeuvres sociales qui a donné lieu à des détournements, des irrégularités apparaissent aussi dans la gestion sportive, les experts-comptables de la République parlent même de caisse noire et de rémunération occulte.
Mais le Titanic ne coule pas : les affaires s'accumulent, s'enlisent, et après une traversée du désert à la Eddy Barclay, en 2001 c'est le retour. Olivier de Chazeaux n'a pas plu et a fait quelques erreurs. En 2001 Patrick Balkany est réélu maire de Levallois, mais le préfet s'oppose à l'élection suite aux affaires l'ayant touché. Rapidement l'UMP vote une loi rendant éligibles les élus jugés comptables de fait de leur commune...Patrick Balkany est élu député en 2002.
C'est bien le retour et ses amis mouillés dans les affaires se voient attribuer les meilleurs postes! Balka II est de retour...
LES CECCALDI-RAYNAUD : LES CESAR ET MARCUS BRUTUS DE PUTEAUX
Quelle est la commune la plus riche de France? À cette question nombreux répondraient Neuilly-sur-Seine. Et pourtant s'il est vrai que les habitants de Neuilly sont les plus riches de France, la commune de Puteaux est celle qui est la plus prospère. Le motif de cette richesse? Le quartier d'affaires de la Défense dont les deux tiers sont situés sur la commune lui apporte une taxe professionnelle sans équivalents en France : le potentiel fiscal est de 4 000 € par habitant, soit cinq fois plus qu'une commune de même taille! En 2007 la chambre régionale des comptes a eu la surprise de constater que la commune avait un bas de laine de 228 millions d'euros placés en bons du Trésor, ce qui lui permet de percevoir 11 millions d'euros d'intérêt annuel.
Les rues évoquent Disneyland, la commune use de sa prospérité : beaucoup de logements sociaux, beaucoup d'agents municipaux, et des dépenses somptuaires : 90 000 € de frais de petits fours en 2006, un million pour les illuminations de Noël. En 2007 1 800 personnes sont invités à la réception du nouvel an : 550 € de dépensés par personne! Après cela s'ajoutent des cérémonies de voeux plus communautaristes ou plus électoralistes. Et d'autres frais comme Puteaux-Plage ou Puteaux Neige pour un million d'euros.
Et c'est encore mieux pour les familles « bien avec la mairie » : une place sur un village de vacances à un tarif 50 % moins cher qu'au Club Med à Ploemeur (56), La Clusaz (74) ou Crapone (Corse).
Mais la grande particularité de Puteaux c'est le clientélisme. Charles Ceccaldi-Raynaud - « CCR » - accepte de rendre service, fait des cadeaux : ainsi les personnes âgées reçoivent tous les ans des casserolles, un four à micro-ondes ou un téléphone sans fil...Charles Ceccaldi revendique cette politique : « ma politique en matière de clientélisme a été exemplaire. Vous savez ceux qui n'étaient pas d'accord, on ne pouvait pas leur supprimer leur logement. Mais ils obtenaient moins facilement une place dans nos villages de vacances ».
Et les exemples existent : ainsi Stéphane Vazia a eu l'occasion de fréquenter les villages de vacances. Mais tout a changé le jour où il est entré au PS. Son opinion sur « CCR » avait déjà changé le jour où lorsque sa femme a eu une contravention il a écrit au maire pour réclamer des travaux à cet emplacement. Réponse du maire : vous pouvez vous faire payer 50 % de la contravention par le centre d'action sociale!
L'ascension de Charles Ceccaldi-Raynaud est en tout cas digne d'un roman.
Celui-ci a commencé comme commissaire de police puis conseiller particulier de Robert Lacoste en Algérie, et est aussi un des responsables de la SFIO locale. Suite au putsch des partisans de l'Algérie française, il apprends qu'il est menacé d'arrestation et s'enfuit. Il part sur Paris, Georges Dardel maire de Puteaux le nomme directeur de l'office HLM local, puis il devient conseiller municipal . Georges Dardel est alors adepte du socialisme municipal clientéliste et corrupteur.
En 1967 il est victime d'un grave accident de voiture, « CCR » s'occupe de l'intérim. Mais lorsqu'il réclame son poste à son retour Charles Ceccaldi refuse de le lui rendre! Exclu du parti le socialiste se tourne alors vers les gaullistes...la campagne municipale de 1971 est tendue, faisant même un mort au cours d'une fusillade.
Mais Charles Ceccaldi voit plus loin. Il voit ainsi son fils lui succéder, mais suite à son décès il se tourne vers sa fille même s'il critique ses capacités. Ainsi lorsque Brice Hortefeux lui affirme qu'il souhaiterait lui succéder, Charles Ceccaldi lui dit clairement qu'il avait choisi sa fille pour lui succéder.
Pourtant le scénario de Charles Ceccaldi ne fonctionne pas. Suite à une opération médicale il pense qu'il lui reste peu de temps à vivre. Il démissionne de son poste et nomme sa fille pour lui succéder. Il critique les mesures prises par sa fille et son aptitude à diriger la ville. Quand il souhaite reprendre son poste, enfin guéri, sa fille refuse de rendre son siège! CCR agresse alors sa fille par le biais de tracts, ouvre un blog contre sa fille et l'insulte lors de conseils municipaux!
Les Ceccaldi père et fille ont en tout cas un point commun : ils détestent toute opposition. Pour Charles Ceccaldi l'UDF avec qui il s'allie n'est qu'un faire-valoir, il a infiltré le PS pendant des années, et n'hésite pas à user du triptyque intimidations-pressions-action en justice.
Ainsi Nadine Jeanne se voit exclure de son association culturelle lorsqu'elle se retrouve sur la liste de l'opposition en 2001. Des tracts diffamatoires la qualifie de socialo-communiste, de trotskiste, de pro-délinquants.
Bernard Bruet qui dénoncera le scandale du chauffage urbain – on facture aux administrés du charbon alors que la centrale brûle au fioul! - verra sa femme convoquée par le maire pour le ramener à la raison, puis il sera menacé de ne plus recevoir de subventions pour son association.
Même chose pour le blogueur Christophe Grébert qui monte le blog « MonPuteaux.com » très critique pour la direction municipale. Dès lors CCR interdit de rentrer dans les locaux publics du conseil municipal avec un appareil photo. Puis dès qu'il se rends au conseil municipal Christophe Grébert est encerclé par les policiers municipaux. Charles Ceccaldi a même accusé Christophe Grébert de penchants pédophiles...
NEUILLY OU L'AFFAIRISME A SARKOLAND
Neuilly-sur-Seine n'échappe pas à l'ambiance locale. Il y a bien sûr les dérives habituelles : appartement de fonction indû, détournements de bouteilles de champagne et de vin...
Mais au cours de la dernière campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy a surtout été mis en cause pour son ex-appartement sur l'Ile de la Jatte : Nico l'avait en effet acheté 880 000 € en 1997 et revendu 1,9 million d'euros en 2006! Plus tard on découvre qu'il avait bénéficié d'une ristourne de 300 000 € par le promoteur lors de l'acquisition. Généreux? On découvre quelques semaines plus tard que notre bien-aimé président avait lui aussi accordé un rabais de 775 000 € au même promoteur pour la vente de terrains municipaux, au même moment. Mais l'affaire est classée sans suite.
Autre affaire qui touche cette fois un ami de Nico, Thierry Gaubert, qui fut son assistant dans beaucoup de ses activités politiques. A côté de cette assistance Thierry Gaubert s'occupe d'immobilier, notamment du 1 % logement qui impose aux entreprises un prélèvement pour financer le logement de leurs salariés. Thierry Gaubert créé le CIL qui collecte les fonds pour financer les constructions, puis le HPT qui s'occupe des fonctionnaires. Il finance aussi des outils de communication pour la mairie de Neuilly et pour Didier Schuller à Clichy.
Mais dès 1998 plusieurs organes mettent en cause les dépenses douteuses du CIL et du HPT, une plainte est déposée pour « abus de biens sociaux, abus de crédits, exercice illégal de la profession de banquier, abus de confiance, favoritisme, escroquerie au préjudice de l'Etat ». Le dossier est toujours en cours.
MANUEL AESCHLIMANN, LE MACHIAVEL D'ASNIERES
Certaines villes du 9-2 ont été de véritables laboratoires ou objets de propagande pour la France d'après de Nicolas Sarkozy. L'exemple d'Asnières mérite qu'on s'y arrête : cette ville sans originalité était dirigée pendant près de trente ans par un gaulliste, Michel Maurice-Bokanovski. Ajourd'hui la ville fait le bonheur d'Internet et de Dailymotion pour ses calomnies, tracts anonymes, procès en diffamation, mises en examen et surtout ses conseils municipaux houleux. A défaut d'avoir bâti la France d'après, le maire Manuel Aeschlimann a bâti l'Asnières d'après. Mais arrêtons-nous un instant sur le « putsch » de Manuel Aeschlimann, par ailleurs lecteur de Nicolas Machiavel.
A la fin des années 80, « Boka » est un peu lassé par son activité de maire, il lui arrive même de s'endormir lors des conseils municipaux. Il délaisse partiellemnt le pouvoir à son premier adjoint et successeur désigné, Yves Cornic, qui à l'exemple du couple Balkany à Levallois, couvre la ville de chantiers et de ZAC. Certains riverains inquiétés s'organisent en associations.
Manuel Aeschlimann fait lui la rencontre de Frantz Taittinger, issu de la grande famille du même nom. Tous deux se retrouvent dans la liste de « Boka » aux municipales. Tous deux décident alors de trahir leur maire en prenant parti pour les associations de riverains, des tracts anonymes dénoncent la collusion entre le maire et les promoteurs.
En 1991 les deux hommes décident de mettre le maire en minorité au sein du conseil municipal. Ils sont alors exclus du RPR. Ils ne perdent pas pour autant de vue leurs objectifs – cantonales de 1992 et législatives de 1993 – et se voient opposés à Georges Tranchant. La campagne donne lieu à un affrontement entre les gros bras des camps respectifs. On accuse Taitinger de vouloir « faire venir les arabes à Asnières » en se fondant sur les origines algériennes de sa femme. Mais Taitinger triomphe malgré tout, Manuel Aeschlimann devient le premier adjoint en charge notamment de la communication.
Mais notre Machiavel du 92 ne s'arrête pas là ; Taittinger connaît des problèmes de succession familiale et de santé qui le fragilisent, on l'informe aussi qu'Aeschlimann complote contre lui en manipulant des associations de riverains. En 1998 Aeschlimann soutient de manière cachée le candidat UDF aux cantonales : Taittinger perd son siège au profit du candidat socialiste. Il démissionne de son mandat de maire et ne se représentera pas aux législatives. Par bonheur Manuel Aeschlimann est là...
Devenu maire grâce à ce double putsch il met en oeuvre les mesures de Nicolas Sarkozy : lutte contre l'insécurité, instauration d'un couvre-feu pour les mineurs qui lui vaudront les faveurs des médias. Il installe aussi une vidéosurveillance dans la commune. En 2004 il est mis en cause quand son directeur de cabinet s'incruste dans le local chargé de la surveillance. Celui-ci indique qu'un socialiste tracte des « documents injurieux » contre le maire et invite la police à l'arrêter. Le brigadier-chef refuse malgré les menaces. Certains dénoncent alors la déviance vers une police politique. De même Manuel Aeschlimann n'hésite pas à attaquer en justice ceux qui critiquent son bilan pour diffamation.
Mais la grande spécificité de Manuel Aeschlimann c'est le marketing politique qu'il a enseigné à Science-Po : il est ainsi friand de sondages (il en a réalisé plusieurs au profit de Nicolas Sarkozy dans sa longue marche vers l'Elysée), mais aussi d'une conception communautaire de la politique.
En se fondant sur les listes électorales il envoie ainsi cinq magazines différents aux Asniérois en se fondant sur leur âge et leur sexe, afin d'adapter sa communication.
Le pire c'est qu'en 2006 il a constitué des fichiers d'électeurs avec les mentions « Maghreb » ou « sans Maghreb » afin d'adapter sa communication à l'origine ethnique de ses administrés. En 2001 il a réalisé un tract pour les municipales destinés aux Africains et originaires d'Outre-Mer mettant en vedette sa femme, d'origine antillaise. Même chose en 2004 où une de ses adjointes cible l'électorat musulman en parlant d'une mosquée et d'un carré musulman dans le cimetière d'Asnières.
En harmonie avec Nicolas Sarkozy il créé un conseil des communautés, reçoit les différentes communautés ethniques ou religieuses, accorde des aides aux communautés israélites, catholiques, musulmanes ou aux témoins de Jéhovah.
Enfin la dernière spécificité de Manuel Aeschlimann c'est son traîtement des opposants : toute attaque peut mener au procès pour diffamation, la chambre régionale des comptes a ainsi calculé que les frais d'honoraires d'avocat de la ville étaient huit fois plus élevésque dans les villes de même taille du département.
Et au-delà de ses opposants politiques il compte aussi des opposants au sein de son propre camp. Ainsi Josiane Fischer, ex-membre du RPR proche d'Anticor, a été victime comme beaucoup de ses collègues d'un bluff lors du remplacement de Frantz Taittinger par Manuel Aeschlimann : alors que celui-ci avait promis de conserver la même liste pour les municipales, une partie de ses membres a été rayée de cette liste. C'est alors qu'un tract anonyme diffamatoire circule pour les mettre en cause.
Dans la même veine, Manuel Aeschlimann accuse parfois les associations de riverains qui s'opposent à lui d'être des sectes...
ANDRE SANTINI ET ISSY-LES-MOULINEAUX
Le jovial et médiatique André Santini fait lui aussi parti des racailles du 9-2. Il est vrai que dans le département les relations entre l'UMP et le feu UDF sont excellentes. Il est vrai aussi qu'André Santini fait parti des poulains de Charles Pasqua.
Pourtant l'ouvrage d'Hélène Constanty et Pierre-Yves Lautrou montre un personnage moins agréable qu'il n'y paraît : cassant, insultant, auteur de coups bas et de propos diffamatoires...
Et Issy connaît aussi ses affaires.
Il y a tout d'abord le SEDIF, syndicat des eaux d'Ile-de-France, qu'il préside. Les installations sont gérées par Veolia depuis 1923. et André Santini a verrouillé la place en nommant des proches aux postes clés. Mais la chambre régionale des comptes, l'association Service Public 2000 et UFC-Que Choisir ont montré du doigt les prix prohibitifs de l'eau et l'opacité de la gestion : le prix de l'eau serait 2,5 fois trop élevé, les marges trop importantes (58 % de marges).
Mais l'eau n'est pas la seule à poser problème, il y a aussi l'immobilier. Ainsi fin 1990 Elf vend un terrain à une filiale de la Générale des eaux, qui la revend six jours plus tard et fait une plus value de 45 millions d'euros! Motif de cette plus-value : André Santini a voté la création d'une ZAC à cet endroit.
Autres affaire immobilière : la fondation Hamon. Jean Hamon, promoteur immobilier et mécène d'art contemporain, souhaite bâtir un centre d'art contemporain. La structure pour construire et gérer est dirigée par André Santini et Charles Pasqua. Mais les associations de défense de l'environnement contestent le projet. Résultat le permis de construire est invalidé. Mais on apprends que dans le dossier il y aurait des fausses factures, des prêts litigieux et un emploi fictif. Hamon est mis en cause pour faux et usages de faux, abus de biens sociaux, escroquerie et recel de fonds publics.
QUARTIER DE LA DEFENSE : AFFAIRISME DANS LA POULE AUX OEUFS D'OR
La poule aux oeufs d'or pour le 9-2 c'est le quartier de la Défense. Ce quartier d'affaires a été bâti en 1958 : il emploie 170 000 salariés et l'un des plus important en Europe. Nicolas Sarkozy avait établi un programme intitulé « Défense 2015 » afin de relancer l'activité dans le quartier. Et le programme est ambitieux, et nécessaire.
Mais ces travaux sont surtout une opportunité pour certains : le plan récupère quasiment à la lettre les propositions d'un lobby, l'Association des utilisateurs de la Défense qui comprends les vingt deux plus grands propriétaires et occupants du quartier. Mais au vu de la taxe professionnelle et des droits de mutation perçus, dur de les contredire.
Pour réaliser ce programme Nicolas Sarkozy nomme Bernard Bled qui fut mis en examen dans le cadre des emplois fictifs de la mairie de Paris, mis en cause aussi pour la justice pour un logement de fonction ou pour des détournements de fonds publics...Afin de lui donner des outils le Parlement vote en décembre 2006 une loi en urgence et en catimini. Cette loi consacre une OPA du département sur le quartier : le préfet est quasiment exclu des processus de consultation, une disposition fiscale très favorable aux constructeurs est adoptée.
La Cour des comptes a elle mis en cause la transparence de la comptabilité de la gestion du quartier. Quoiqu'il en soit la gestion du quartier sera 100 % UMP : 50 % au département, 25 % pour Puteaux et Courbevoie.
Mais tout ne va pas forcément pour le mieux dans le meilleur des mondes pour la Défense car quelques affaires ont été médiatisées.
Première affaire : celle des mètres carrés fantômes. Selon Hélène Constanty et Pierre-Yves Lautrou il pourrait s'agir de la plus grande violation du code de l'urbanisme en France : des milliers de mètres carrés auraient été construits en tout illégalité. L'interrogation concerne surtout les responsabilités des pouvoirs publics : étaient-ils au courant voire complices de la fraude?
Autre affaire : « l'affaire de la chaufferie ». Une affaire de corruption est ici soupçonnée dans le cadre d'un renouvellement de la concession de chauffage urbain du quartier. La chambre régionale des comptes avait déjà critiqué les marges importantes réalisées dans la gestion et l'absence de contrôle des activités. En tout cas dans cette affaire on soupçonne le bénéficiaire du marché d'avoir profité du soutien de Charles Ceccaldi-Raynaud dans l'obtention du marché.
HLM DU 92 : PETITS DETOURNEMENTS ENTRE AMIS
Dans le 9-2 la politique immobilière est aussi une bonne poule aux oeufs d'or, notamment par le biais des offices HLM. Ce système fut notamment une arme politique à Plessis-Robinson ou Levallois-Perret.
L'affaire des HLM du 9-2 est en tout cas illustrative des déviances du système. Le dossier est « balancé » au juge Eric Halphen grâce à un dossier transmis par le ministre du Budget d'alors, un certain Nicolas Sarkozy, à l'époque où la guerre entre chiraquiens et balladuriens se met en place. Nicolas Sarkozy justifie son choix par le goût de la justice, version que conteste le juge Halphen qui y voit une manoeuvre politique. En tout cas, le juge Halphen découvre tout un système de fausses factures pour le financement occulte du RPR. Ce système consistait pour les entrepreneurs du BTP à émettre des fausses factures afin de financer le RPR, en contre-partie de l'accès aux marchés publics des offices HLM de Paris ou des Hauts-de-Seine et du conseil régional d'Ile-de-France.
La gestion des HLM du 92 était alors assurée par Patrick Balkany, assisté par un certain Didier Schuller, qui bénéficie d'un certain réseau. Des travaux sont à faire, des marchés sont à obtenir, parfois au bénéfice d'amis...
Didier Schuller est poussé au bout de quelques temps à la conquête électorale de Clichy. Il bénéficie des moyens de l'OPDHLM, pendant la campagne le cliéntélisme se met en place. Hors au cours de sa conquête le juge Halphen découvre que le journal de campagne Le Clichois surfacture des pages publicitaires à la SAR, dirigée par un ami de Schuller.
Afin de stopper le juge, Schuller utilise une de ses relations Jean-Pierre Maréchal, beau-frère d'Eric Halphen afin qu'il fasse pression sur lui. Mais au bout d'un moment changement de stratégie : il faut piéger Maréchal et décrédibiliser Halphen. Au cours d'une transaction Maréchal est pris, le juge Halphen risque d'être désaisi. Mais les médias sentent un coup monté, le juge Halphen conserve la gestion du dossier.
Quelques jours plus tard des amis de Schuller sont pris en pleine transaction de dessous-de-table. A leur domicile on découvre des documents impliquant Didier Schuller, qui s'enfuit en République dominicaine. Une cavale de sept ans. Patrick Balkany est lui aussi mis en cause mais sera relaxé.
FAITS DIVERS
Première anomalie du 9-2, le restaurant « Le Ruban Bleu ». Ce restaurant haut de gamme situé à Nanterre est en principe accessible à l'ensemble du personnel du département. Dans les faits on y croise surtout des conseillers généraux et leurs invités. Ainsi en novembre 2006 Manuel Aeschlimann, député-maire d'Asnières, y a été photographié à la sortie d'un repas avec le président du tribunal administratif de Versailles, au moment où celui-ci était mis en cause pour différentes affaires concernant sa municipalité.
Ce restaurant a été bâti par Charles Pasqua pour pallier au manque de restaurants chics dans ce quartier de la préfecture. Le coût du repas? 122 euros en moyenne, alors que les élus ne paient qu'entre 10 et 15 euros en moyenne! Le coût pour le contribuable est lui de 1,8 millions d'euros par an.
Autre anomalie : la SEM Coopération 92, société d'économie mixte créée en 1992 par Charles Pasqua avec pour but l'aide « au développement en Afrique francophone et ailleurs ». Dans la réalité il s'agit d'un véritable « Quai d'Orsay bis », instituant une diplomatie occulte. Elle agit notamment pour un des pays les plus prospère d'Afrique, le Gabon, et notamment le Haut-Ogooué fief du président Omar Bongo. Les contrats sur place sont souvent attribués à un certain Hassan Hejeij, un homme d'affaires libanais.
Cette structure dotée d'un budget de 4,5 millions d'euros fonctionne en toute opacité. Son directeur général Yan Guez à un 4*4 de fonction et un salaire mensuel de 11 000 €.
Impossible de ne pas parler aussi du pôle universitaire Léonard de Vinci à la Défense, plus connue sous le nom de fac Pasqua. Coût total pour le contribuable : 500 millions d'euros, en 2007 il a reçu 17,5 millions d'euros pour ses 1 800 étudiants soit plus que pour les 72 000 collégiens du département (15,6millions d'euros) : soit 9 722 euros par an et par élève, contre 216 euros pour l'autre.
Mais au-delà de ses dépenses la fac Pasqua est surtout soupçonnée de blanchiment au bénéfice du RPF de Charles Pasqua : la fac est gérée par l'Association Léonard de Vinci (ALV) dirigée par Charles Pasqua et ses amis. L'un d'eux, Pierre Monzani, et un de ses amis Noulis Pavlopoulos, ont ainsi réuni 450 000 € venus de Chypre. Mais au final Charles Pasqua est protégé par l'immunité parlementaire.
Dernière structure étonnante du 9-2, la SEM 92, société d'économie mixte créée par Charles Pasqua et qui lui permettra de contrôler l'immobilier, en y plaçant notamment des hommes de confiance. Mais un rapport de la chambre régionale des comptes de mars 1999 met en cause les atteintes à la mise en concurrence des prestataires, la non-observation des lois Sapin de lutte contre la corruption, et s'interrogent aussi sur l'attribution du marché de la fac Pasqua à Bouygues, la vente de terrains Elf à Issy-les-Moulineaux.
Il y eu aussi l'affaire du siège d'Alstom, qui aurait donné lieu à un pot-de-vin de 700 000 €, et de la SOFREMI, qui a donné lieu à des commissions fictives.