Les OGM sont plus que d'actualité : le débat à l'Assemblée Nationale et au Sénat a été particulièrement tendu, la frontière entre les parlementaires soucieux de la vérité scientifique et de l'intérêt général et ceux soucieux d'appliquer de manière docile les directives des lobbys est apparue au grand jour
Monsanto, qui cultive 90 % des OGM au monde, a déjà un lourd passé et un lourd passif (agent orange, dioxine...) et a recyclé ses vieilles recettes : falsification d'études, lobbying, menaces, conflits d'intérêt...
Son but? Contrôler les semences du monde, et donc la nourriture du monde. Revenons un instant sur la genèse des OGM. Cette étude est un résumé des propos de Marie-Monique Robin contenus dans son ouvrage « Le Monde selon Monsanto ».
Pour simplifier à l'extrême, l'épopée des OGM débute en 1953 lorsque deux scientifiques, Watson et Crick, décryptent la structure en double hélice de l'ADN, dont elle signe le code génétique. Dès le début des années 60 les biologistes travaillent sur les possibilité de manipulation des gènes. Dans les années 70 les premiers résultats apparaissent.
C'est à cette époque que Monsanto intervient dans l'épopée des OGM en réalisant ses propres recherches, qui aboutiront aux premières constructions génétiques, pour lesquelles elle déposera bien évidemment des brevets. Leur premier grand succès sont les plantes résistantes à leur herbicide, le Roundup ready, puis celle d'un gène immunisant contre le même herbicide.
LE DEVELOPPEMENT DES OGM
Le premier vecteur de développement des OGM est politique. Et Monsanto sort les grands moyens dans ce domaine en envoyant quatre dirigeants de leur entreprise rencontrer George Bush père à la Maison-Blanche, alors que celui-ci est vice-président des Etats Unis. A l'époque celui-ci se fait l'apôtre de la « déréglementation » et se montre sceptique voire critique face aux organes scientifiques chargés de l'environnement et de la santé. S'ensuivent des textes très protecteurs pour la biotechnologie et des réglementations de pure apparence, permettant une réglementation de façade des OGM.
En cause notamment dans cette réglementation le « principe d'équivalence en substance » qui indique que les OGM seraient « grosso modo » identiques à leurs homologues naturels. Hors le « grosso modo » peut surprendre au vu des intérêts en jeu, surtout dans le domaine scientifique. Un économiste opposé aux OGM, Jeremy Rifkin, raconte qu'en fréquentant les mêmes bars que les lobbyistes à Washington il entendait ceux-ci rire du concept, ceci n'étant qu'une pure invention pour une mise sur le marché rapide des OGM. La FDA qui contrôle les aliments se basera sur ce type des analyses, ce qui fera échapper les OGM aux tests toxicologiques.
Le deuxième vecteur de développement des OGM est scientifique, car Monsanto a su utiliser les scientifiques ou les neutraliser.
Concernant ses études, Monsanto a toujours brillé pour leurs imprécisions, leurs erreurs et leurs lacunes, Monsanto refuse de soumettre ses études a des contre-expertises « au nom du secret commercial ». Ceux qui ont effectué des études alternatives ont été surpris par les résultats très différents des résultats officiels : les animaux cobayes avaient en effet des conséquences très négatives sur leur santé. Ainsi les tests menés sur les papillons monarques faisaient près de 44 % de morts, le reste étant victimes de perte d'appétit...de quoi rassurer les consommateurs d'OGM.
Ceux qui veulent réaliser des études sur les OGM obtiennent peu de financements, voient leurs travaux discrédités, voire leurs carrières menacées. Certains se font licencier.
Que ce soit au niveau politique ou scientifique, Monsanto noyaute les institutions, utilise le pantouflage (allers-retours de personnes entre le privé et le public, parfois proches du conflit d'intérêt) et exerce un lobbying important : entre 1998 et 2001 elle a utilisé près de 21 millions de dollars en lobbying, et elle finance aussi les partis politiques au pouvoir aux Etats Unis.
MONSANTO A LA CONQUETE DU MONDE
Afin d'atteindre l'hégémonie qu'elle souhaite Monsanto est partie à la conquête du monde, notamment l'Amérique Latine et l'Inde.
Au Mexique, la production de maïs est une des plus riche au monde. Hors certaines catégories de maïs ont été contaminées par les produits de Monsanto. Ainsi Ignacio Chapela, un scientifique, a effectué des recherches sur ces contaminations. Deux « scientifiques » nommés Murphy et Smetacek ont alors mené une campagne de dénigrement de ses travaux sur Internet, hors en faisant des recherches ces deux scientifiques n'existaient pas, leurs adresses Internet menaient elles vers...Monsanto.
En Argentine, pays où Monsanto est sûrement le mieux implanté, l'entreprise a surfé sur la politique de déréglementation menée par Carlos Menem. Un institut, le Conabia, a repris le concept d'équivalence en substance. Les médias ont réalisé une véritable propagande pour les OGM. On a alors assisté à une véritable « sojisation » du pays, parfois imposée grâce à des pseudos arguments humanitaires. Le résultat est plus que mitigé : au final les sojas génétiquement modifiés réclament plus d'herbicides et d'insecticides, et donc plus de frais et de pollution, engendrent des terres stériles, et les effets sur la santé sont négatifs voire mortels.
En Inde l'introduction des semences pour le coton génétiquement modifiés a des effets dramatiques : la dette des agriculteurs augmente du fait des frais, les récoltes sont faibles. Les OGM ont engendré des rendements moindres, les frais sont accrus car les pesticides engendrent un effet de résistance. Du fait de leurs dettes un agriculteur de la région du coton indien se suicide toutes les huit heures...
BREVETER LE VIVANT?
Monsanto est une entreprise « microsoftienne ». Afin de mieux exercer un monopole sur les semences mondiales, certains estiment qu'elle a travaillé sur les organismes génétiquement modifiés dans le seul but de créer un bien naturel qui lui soit propre et dont elle pourrait être propriétaire, par le biais du droit de la propriété intellectuelle, grâce aux brevets. Ces brevets lui permettant d'obtenir des royalties dès que quiconque utilise ses semences.
Pourtant la loi américaine de 1951 sur les brevets avait exclu de son champ d'application les organismes vivants. Mais en 1980, suite à un lobbying des entreprises de biotechnologie, la Cour Suprême américaine a admis dans un jugement très libéral que « tout ce qui a été touché par l'homme » peut être breveté...dès lors une privatisation d'organismes vivants est possible. Résultat sur les 70 000 brevets annuels déposés aux Etats Unis, 20 % concernent des organismes vivants.
Et Monsanto sait appliquer son droit sur les brevets avec la douceur d'un taliban : toute personne achetant ses semences accepte par contrat de payer des amendes en cas de « fraude » (ce qui est le cas lorsqu'une personne conserve des semences et les réutilise l'année suivante, ou en cas de simple contamination par des champs voisins).
Pour appliquer sa loi Monsanto travaille avec des détectives de l'agence Pinkerton, a mis en place un numéro vert pour les dénonciations anonymes, elle a aussi mis en place une police des gènes de soixante quinze personnes pour effectuer des contrôles.
Elle a par ailleurs exporté sa volonté de monopole au niveau mondial par le biais de l'ADPIC (« aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce »), auprès de l'OMC. Au cours du cycle dit « Uruguay round » elle a travaillé pour inclure le droit de propriété intellectuelle dans le champ des domaines visant à être mondialisés et libéralisés. Pour ce faire elle a créé un organe, l'IPC, afin de faire du lobbying. Et un lobbying efficace : ainsi l'article 27.3 (b) permet le brevetage des micro-organismes. Le but de cet article est qu'un brevet obtenu aux Etats Unis, par Monsanto par exemple, soit applicable partout dans le monde. Avec des conséquences judiciaires graves en cas de non respect.
Malgré ce tableau préoccupant, Marie-Monique Robin fait preuve d'optimisme pour les promoteurs de la vérité scientifique et de l'intérêt général. Les OGM sont rejetés par les consommateurs malgré la désinformation d'entreprise comme Monsanto, du coup des sociétés d'agro-alimentaires réputés refusent les OGM. La mise sur le marché de certains produits comme le maïs MON 863 furent contestées au sein même d'organes scientifique de contrôles européens. Face aux abus de Monsanto des « class actions » se sont organisés pour utilisation abusive de brevets ou atteintes à la concurrence. Marie-Monique Robin se demandent si les OGM ne sont pas le nouvel orange.
Mais la riposte s'organise. Après les crimes, le châtiment?