vendredi 18 avril 2008

Monsanto et les OGM

Les OGM sont plus que d'actualité : le débat à l'Assemblée Nationale et au Sénat a été particulièrement tendu, la frontière entre les parlementaires soucieux de la vérité scientifique et de l'intérêt général et ceux soucieux d'appliquer de manière docile les directives des lobbys est apparue au grand jour
Monsanto, qui cultive 90 % des OGM au monde, a déjà un lourd passé et un lourd passif (agent orange, dioxine...) et a recyclé ses vieilles recettes : falsification d'études, lobbying, menaces, conflits d'intérêt...
Son but? Contrôler les semences du monde, et donc la nourriture du monde. Revenons un instant sur la genèse des OGM. Cette étude est un résumé des propos de Marie-Monique Robin contenus dans son ouvrage « Le Monde selon Monsanto ».
Pour simplifier à l'extrême, l'épopée des OGM débute en 1953 lorsque deux scientifiques, Watson et Crick, décryptent la structure en double hélice de l'ADN, dont elle signe le code génétique. Dès le début des années 60 les biologistes travaillent sur les possibilité de manipulation des gènes. Dans les années 70 les premiers résultats apparaissent.
C'est à cette époque que Monsanto intervient dans l'épopée des OGM en réalisant ses propres recherches, qui aboutiront aux premières constructions génétiques, pour lesquelles elle déposera bien évidemment des brevets. Leur premier grand succès sont les plantes résistantes à leur herbicide, le Roundup ready, puis celle d'un gène immunisant contre le même herbicide.


LE DEVELOPPEMENT DES OGM

Le premier vecteur de développement des OGM est politique. Et Monsanto sort les grands moyens dans ce domaine en envoyant quatre dirigeants de leur entreprise rencontrer George Bush père à la Maison-Blanche, alors que celui-ci est vice-président des Etats Unis. A l'époque celui-ci se fait l'apôtre de la « déréglementation » et se montre sceptique voire critique face aux organes scientifiques chargés de l'environnement et de la santé. S'ensuivent des textes très protecteurs pour la biotechnologie et des réglementations de pure apparence, permettant une réglementation de façade des OGM.
En cause notamment dans cette réglementation le « principe d'équivalence en substance » qui indique que les OGM seraient « grosso modo » identiques à leurs homologues naturels. Hors le « grosso modo » peut surprendre au vu des intérêts en jeu, surtout dans le domaine scientifique. Un économiste opposé aux OGM, Jeremy Rifkin, raconte qu'en fréquentant les mêmes bars que les lobbyistes à Washington il entendait ceux-ci rire du concept, ceci n'étant qu'une pure invention pour une mise sur le marché rapide des OGM. La FDA qui contrôle les aliments se basera sur ce type des analyses, ce qui fera échapper les OGM aux tests toxicologiques.

Le deuxième vecteur de développement des OGM est scientifique, car Monsanto a su utiliser les scientifiques ou les neutraliser.
Concernant ses études, Monsanto a toujours brillé pour leurs imprécisions, leurs erreurs et leurs lacunes, Monsanto refuse de soumettre ses études a des contre-expertises « au nom du secret commercial ». Ceux qui ont effectué des études alternatives ont été surpris par les résultats très différents des résultats officiels : les animaux cobayes avaient en effet des conséquences très négatives sur leur santé. Ainsi les tests menés sur les papillons monarques faisaient près de 44 % de morts, le reste étant victimes de perte d'appétit...de quoi rassurer les consommateurs d'OGM.
Ceux qui veulent réaliser des études sur les OGM obtiennent peu de financements, voient leurs travaux discrédités, voire leurs carrières menacées. Certains se font licencier.
Que ce soit au niveau politique ou scientifique, Monsanto noyaute les institutions, utilise le pantouflage (allers-retours de personnes entre le privé et le public, parfois proches du conflit d'intérêt) et exerce un lobbying important : entre 1998 et 2001 elle a utilisé près de 21 millions de dollars en lobbying, et elle finance aussi les partis politiques au pouvoir aux Etats Unis.


MONSANTO A LA CONQUETE DU MONDE

Afin d'atteindre l'hégémonie qu'elle souhaite Monsanto est partie à la conquête du monde, notamment l'Amérique Latine et l'Inde.

Au Mexique, la production de maïs est une des plus riche au monde. Hors certaines catégories de maïs ont été contaminées par les produits de Monsanto. Ainsi Ignacio Chapela, un scientifique, a effectué des recherches sur ces contaminations. Deux « scientifiques » nommés Murphy et Smetacek ont alors mené une campagne de dénigrement de ses travaux sur Internet, hors en faisant des recherches ces deux scientifiques n'existaient pas, leurs adresses Internet menaient elles vers...Monsanto.

En Argentine, pays où Monsanto est sûrement le mieux implanté, l'entreprise a surfé sur la politique de déréglementation menée par Carlos Menem. Un institut, le Conabia, a repris le concept d'équivalence en substance. Les médias ont réalisé une véritable propagande pour les OGM. On a alors assisté à une véritable « sojisation » du pays, parfois imposée grâce à des pseudos arguments humanitaires. Le résultat est plus que mitigé : au final les sojas génétiquement modifiés réclament plus d'herbicides et d'insecticides, et donc plus de frais et de pollution, engendrent des terres stériles, et les effets sur la santé sont négatifs voire mortels.

En Inde l'introduction des semences pour le coton génétiquement modifiés a des effets dramatiques : la dette des agriculteurs augmente du fait des frais, les récoltes sont faibles. Les OGM ont engendré des rendements moindres, les frais sont accrus car les pesticides engendrent un effet de résistance. Du fait de leurs dettes un agriculteur de la région du coton indien se suicide toutes les huit heures...


BREVETER LE VIVANT?

Monsanto est une entreprise « microsoftienne ». Afin de mieux exercer un monopole sur les semences mondiales, certains estiment qu'elle a travaillé sur les organismes génétiquement modifiés dans le seul but de créer un bien naturel qui lui soit propre et dont elle pourrait être propriétaire, par le biais du droit de la propriété intellectuelle, grâce aux brevets. Ces brevets lui permettant d'obtenir des royalties dès que quiconque utilise ses semences.
Pourtant la loi américaine de 1951 sur les brevets avait exclu de son champ d'application les organismes vivants. Mais en 1980, suite à un lobbying des entreprises de biotechnologie, la Cour Suprême américaine a admis dans un jugement très libéral que « tout ce qui a été touché par l'homme » peut être breveté...dès lors une privatisation d'organismes vivants est possible. Résultat sur les 70 000 brevets annuels déposés aux Etats Unis, 20 % concernent des organismes vivants.
Et Monsanto sait appliquer son droit sur les brevets avec la douceur d'un taliban : toute personne achetant ses semences accepte par contrat de payer des amendes en cas de « fraude » (ce qui est le cas lorsqu'une personne conserve des semences et les réutilise l'année suivante, ou en cas de simple contamination par des champs voisins).
Pour appliquer sa loi Monsanto travaille avec des détectives de l'agence Pinkerton, a mis en place un numéro vert pour les dénonciations anonymes, elle a aussi mis en place une police des gènes de soixante quinze personnes pour effectuer des contrôles.
Elle a par ailleurs exporté sa volonté de monopole au niveau mondial par le biais de l'ADPIC (« aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce »), auprès de l'OMC. Au cours du cycle dit « Uruguay round » elle a travaillé pour inclure le droit de propriété intellectuelle dans le champ des domaines visant à être mondialisés et libéralisés. Pour ce faire elle a créé un organe, l'IPC, afin de faire du lobbying. Et un lobbying efficace : ainsi l'article 27.3 (b) permet le brevetage des micro-organismes. Le but de cet article est qu'un brevet obtenu aux Etats Unis, par Monsanto par exemple, soit applicable partout dans le monde. Avec des conséquences judiciaires graves en cas de non respect.

Malgré ce tableau préoccupant, Marie-Monique Robin fait preuve d'optimisme pour les promoteurs de la vérité scientifique et de l'intérêt général. Les OGM sont rejetés par les consommateurs malgré la désinformation d'entreprise comme Monsanto, du coup des sociétés d'agro-alimentaires réputés refusent les OGM. La mise sur le marché de certains produits comme le maïs MON 863 furent contestées au sein même d'organes scientifique de contrôles européens. Face aux abus de Monsanto des « class actions » se sont organisés pour utilisation abusive de brevets ou atteintes à la concurrence. Marie-Monique Robin se demandent si les OGM ne sont pas le nouvel orange.
Mais la riposte s'organise. Après les crimes, le châtiment?

vendredi 4 avril 2008

Monsanto : la machine à tuer?


Dans son ouvrage « Le monde selon Monsanto » sorti le 6 mars 2008 la journaliste Marie-Monique Robin réalise une enquête détaillée sur Monsanto, multinationale américaine spécialisée dans les biotechnologies.

L'intérêt de cette enquête c'est que les pratiques de cette multinationale sont pour le moins critiquables. Elle a ainsi mis sur le marché des produits dangereux voire mortels : agent orange (dont furent victimes toutes les personnes illustrant ce dossier), dioxine, hormone de croissance ont tous été scientifiquement mis en cause.

En cause aussi les méthodes de Monsanto : pression sur les pouvoirs publics, sur les scientifiques ou sur les médias, « entrisme » dans les organes décisionnaires, conflits d'intérêts, menaces, études scientifiques falsifiées...

En cause enfin le cynisme de Monsanto : l'intérêt de l'enquête de Marie-Monique Robin c'est de prouver que Monsanto était bien souvent au courant du caractère toxique de ses produits, mais les a tout de même mis sur le marché.



MONSANTO ET LE PYRALENE


Avant de se spécialiser dans les biotechnologies Monsanto, qui a été créée en 1901, a produit respectivement de la saccharine, de la caféine, de la vanilline, de l'aspirine, du caoutchouc et des phosphates.
En 1945 elle se met à produire respectivement des herbicides et des insecticides, des plantes génétiquement modifiées, de l'aspartame, l'agent orange ou des hormones de croissance.

Monsanto a ainsi produit le PCB (pyralène), utilisé notamment dans la production industrielle.

Ainsi dans la ville d'Anniston, où se situe la principale usine de Monsanto, a rejeté pendant des années du pyralène dans la principale rivière de la ville.

Dans le cadre de son enquête Marie-Monique Robin a eu l'occasion d'étudier près de 500 000 pages de documents internes que Monsanto a voulu dissimuler (notes de service, directives internes...) qui attestent que Monsanto connaissait le caractère toxique de ces pollutions à l'origine de nombreux décès, notamment par cancer.

Marie-Monique Robin a ainsi trouvé des argumentaires établis par Monsanto afin de répondre aux questions dérangeantes. Elle a aussi trouvé des études menées sur des rats ou sur des poissons aux résultats très inquiétants. Dès 1937 Monsanto savait le caractère dangereux du pyralène mais l'a commercialisé jusqu 'en 1977!

Pour ce faire elle a bénéficié de la complicité d'un certain Joe Crockett, travaillant pour un organisme, l'AWIC, qui aurait réglé tout problème avec la FDA, chargée des contrôles aux Etats Unis.

Elle a aussi manipulées ses études pour cacher le caractère toxique du pyralène.



MONSANTO ET LA DIOXINE


Monsanto a aussi produit de la dioxine.

L'histoire qu'a connu la ville de Times Beach illustre le « Monsanto style ».

Cette ville connaît des problèmes liées à la poussière. Pour faire disparaître ce problème la Bliss Waste Oil Company, qui travaille avec des produits Monsanto, propose de répandre un de ses produits sur la ville.

Très rapidement on retrouve des animaux morts. Mais le drame survient en 1982 lors d'une inondation dans la ville où on découvre l'ampleur de la pollution et des conséquences sur la santé des habitants (problèmes de peau, cancers...).

Dans cette affaire la numéro un de l'EPA, chargée de l'environnement, sera mise en cause : dans le cadre de l'enquête elle a détruit tous les documents mettant en cause Monsanto, alors qu' elle avait l'habitude de déjeuner régulièrement avec ses dirigeants.

En cause aussi le docteur Suskind qui falsifiera des études pour cacher le danger de la dioxine.

L'affaire de la dioxine prouve les méthodes de Monsanto. Lorsque Cate Jenkins ou William Sanjour s'inquièteront de la légèreté des tests de toxicité de Monsanto, ils seront victimes de pression, de menaces et seront licenciés.

L'enquête de Marie-Monique Robin montre aussi que Monsanto a infiltré les organes de décisions (exemple : la Maison Blanche, l'EPA, la FDA) de ses hommes, ou que des études ont été frauduleuses.

Elle narre aussi l'histoire de Richard Doll, scientifique respecté qui avait prouvé le lien entre le cancer et la consommation de tabac. Ce scientifique réputé pour son intégrité a défendu Monsanto par le biais d'études. Après sa mort on a découvert qu'il percevait un salaire de la part de Monsanto...



MONSANTO ET L'AGENT ORANGE


Ce qui a fait la réputation de Monsanto, c'est avant tout l'agent orange. Cet herbicide a été découvert dans les années 1940 et a été utilisé pour se débarrasser de feuilles. Lors de la guerre du Vietnam l'agent orange a été utilisé pour éclaircir les forêts où se cachaient les Vietnamiens et détruire leurs cultures. Hors des contestations se sont élevées face aux effets de l'agent orange : il serait facteur de cancers, de leucémies. Au final près de 4 millions de Vietnamiens ont ainsi été contaminés par de produit. Outre ces effets directs, l'agent orange a eu des effets indirects : malformations (des bras et des jambes notamment), maladies de la peau et du cerveau, cécité, diabète, cancers du poumon et de la prostate. Certains ont attaqué Monsanto pour crimes contre l'humanité. En 1984 Monsanto a signé un accord financier avec des associations de vétérans du Vietnam afin que ceux-ci ne la poursuivent pas en justice. En 2004 l'association vietnamienne des victimes de l'agent orange et de la dioxine a vu sa plainte pour crimes de guerre et crime contre l'humanité rejetée. Malgré tout ces dégâts, car il y a aussi un préjudice environnemental (20 % des forêts détruites), Monsanto s'est considérablement enrichie grâce à la guerre du Vietnam.

L'enquête de Marie-Monique Robin démontre que Monsanto savait le danger de l'agent orange et a caché des données pour éviter de perdre un marché juteux. Ainsi des études menées sur des lapins ont prouvé le danger de l'agent orange, mais Monsanto les a dissimulé. Quatre millions de victimes au final.



MONSANTO ET L'HORMONE DE CROISSANCE BOVINE


La commercialisation de l'hormone de croissance bovine démontre aussi tout le savoir-faire de Monsanto. Cette hormone permettait d'augmenter de 15 % la productivité des vaches laitières.

Un scientifique de la FDA, Richard Burroughs, a été étonné par le manque de sérieux des études de Monsanto : études truquées, lacunes majeures. Il a alors alerté sa hiérarchie. Au final on lui a mis des batons dans les roues, il a été viré pour incompétences. Selon lui la FDA a « sciemment fermé les yeux » sur le dossier alors qu'elle est en charge de contrôler l'inocuité des produits.

Dans cette affaire Monsanto a aussi fait pression pour que la presse scientifique la défende, et utilisé le pantouflage, au risque du conflit d'intérêt. Ainsi Margaret Miller, à l'origine du texte de la FDA autorisant l'hormone de croissance bovine, est une ancienne employée de...Monsanto.

Pourtant sur le terrain l'hormone de croissance est loin de faire l'unanimité : pour beaucoup les résultats en terme de productivité sont catastrophiques à terme, certains comparent le produit à une drogue qui rend les vaches dépendantes.

Concernant la presse Jane Akre et Steve Wilson, journalistes au sein de la Fox, ont eu affaire à Monsanto et s'en souviennent. Ils réalisent un reportage sur l'entreprise, mais l'avocat de Monsanto contacte la chaine pour dire qu'ils n'apprécient pas leur démarche. Les journalistes réécrivent quatre vingt trois fois le scénario du reportage! Au final ils se font virer de la Fox. Au terme du procès la justice reconnaît aux chaines américaines le droit de mentir au public...



LES AUTRES PRODUITS DE MONSANTO


Si Monsanto est réputée pour son agent orange (cf la photo sympa ci-jointe), elle a eu l'occasion de mettre en rayon d'autres produits douteux.

A surtout été mis en cause le soja Roundup Ready. Monsanto avait déjà produit un herbicide Roundup responsable de problèmes de santé et d'effets négatifs sur l'environnement, notamment une dégradation des sols. Hors le soja Roundup est justement résistant à l'herbicide Roundup.
Robert Bellé, professeur au CNRS, affirme que le Roundup a un effet cancérigène. Hors lorsqu'il veut alerter sur ces dangers, sa découverte est dénigrée et surtout il perd les financements pour ses travaux.

Aux Etats Unis Monsanto a bénéficié de la complicité de Linda Fisher qui a fait un aller-retour entre Monsanto et la FDA.

Monsanto a aussi produit l'aspartame Nutrasweet. L'aspartame est un édulcorant dont le pouvoir sucrant est deux cent fois supérieurs au sucre. Ce produit a été contesté. La première contestation relève du fait que lors de sa première mise sur le marché le secrétaire général de la Maison Blanche était un certain Donald Rumsfeld, qui fut engagée ensuite employé par l'entreprise commercialisant le Nutrasweet. Pendant des années des doutes furent émis sur des risques cancérigènes, doutes ultérieurement levés. Pourtant ce produit aurait des avantages pour les diabétiques ou pour la prévention des caries. Mais d'autres études indiquent que ce produit créait suite à une réaction physiologique une sensation de faim, et aurait des effets négatifs sur les obèses.